Les politiciens Jean Romain (vice-président du Grand Conseil genevois, PLR) et Mathias Reynard (conseiller national, PS) expliquent leur position dans ce débat.
Les devoirs à domicile nuisent-ils à l’égalité des chances?
Jean Romain: On rêve si l’on imagine que les parents qui ont de l’argent ou du temps vont laisser leurs enfants ne plus travailler à domicile parce que des «pédagogos» illuminés l’auront décidé. C’est exactement le contraire qui va se passer: les parents qui en ont les moyens continueront d’organiser des devoirs pour leurs enfants, de leur donner du travail supplémentaire, de les porter. L’inégalité qu’on prétend supprimer, on va la démultiplier.
Mathias Reynard: Oui, car l’élève qui a ses parents présents – ou en tout cas un des deux – pour l’aider à faire ses devoirs lorsqu’il rentre chez lui n’est pas dans la même réalité que celui qui n’a personne. Il existe déjà une injustice selon la présence physique des adultes ou pas. La formation des parents génère elle aussi de l’inégalité. Les enfants de parents universitaires sont souvent privilégiés dans tout ce qui se fait hors du cadre scolaire. On conduit ainsi une reproduction des inégalités.
Les devoirs à domicile ont-ils toujours leur utilité?
Jean Romain: Les devoirs à domicile, en fonction évidemment de ce que l’élève a compris, permettent la répétition dans un cadre très différent de celui de l’école. Répéter, c’est-à-dire ne pas se contenter, comme le fait l’école aujourd’hui, d’un certain nombre d’activités multiples. Aux exercices répétitifs, on a préféré les activités; au travail, le jeu; à la règle, l’option. Les devoirs apportent une norme et une régularité.
Mathias Reynard: Non. Quand l’élève rentre à la maison, il ne devrait plus rien avoir à faire. On met de plus en plus de pression sur les enfants, il est donc important qu’ils aient droit à leur innocence quand ils sont chez eux, qu’ils ne subissent pas tout le temps cette pression. Quitter l’école à 16 heures ou 16 h 30 et avoir encore ensuite une certaine quantité de travail à domicile, ce n’est pas sain.
Qu’en est-il des études surveillées?
Jean Romain: Les études surveillées, pourquoi pas? Le problème est que ça éloigne de l’école les parents qui aimeraient suivre d’un peu plus près le parcours de leur enfant. Nombre de parents se disent largués par l’école, se plaignent de ne pas comprendre ce qui s’y passe, de n’être là que pour signer des bulletins. Dans ce contexte, les devoirs à la maison leur permettent de maintenir le contact, de comprendre ce que fait l’enfant et ce que le prof exige.
Mathias Reynard: Je suis pour la suppression des devoirs, mais pas pour une suppression pure et simple, parce que je défends une école exigeante. Le remplacement du travail à domicile par de l’étude surveillée me paraît une bonne chose. Cela implique une refonte du système: une école à horaire continu où les enfants sont pris en charge le midi, avec une pause plus courte. Les cours pourraient se terminer à 15 heures, on pourrait alors instaurer une période d'étude surveillée.