Navigation

Conseils

Comment se protéger des images

Comment retrouver son sens critique lorsque l'on est envahi par un flot d'images? Eva Saro explique comment décoder et analyser le monde visuel.

Texte Véronique Kipfer
Photos Amélie Buri
Date
Notre inconscient est séduit malgré nous par des images trompeuses.

Notre inconscient est séduit malgré nous par des images trompeuses.

Nous sommes noyés dans un océan d’images et de messages, tous plus parfaits et incitatifs les uns que les autres. Le problème, c’est que même lorsque nous les rejetons consciemment – ou, pire, qu’on a l’impression de ne même pas être touchés ni concernés – notre inconscient les a déjà assimilés. 

Résultat: «Nous sommes pris au piège de dissonances cognitives», avertit Eva Saro, responsable de projet à la Fondation Images et Société, à Genève.«D’une part, nous savons que ces messages séducteurs relèvent de l’impossible. Mais d’autre part, notre inconscient nous incite à les prendre comme références. Car nous avons besoin d’être acceptés et appréciés dans un groupe.» Malgré tout ce que nous «savons», on assiste à une alarmante péjoration de l’estime de soi des jeunes. «Nous sommes tous concernés, car tous confrontés à ces messages en permanence, consciemment et inconsciemment», souligne l’experte en cette nouvelle discipline que l’on appelle «décod’image». «Et comme l’incons­cient nous téléguide, il est essentiel de trouver des pistes et des outils pour découvrir nos mécanismes. Il nous faut davantage ouvrir les yeux, afin de mieux comprendre le monde et de se comprendre. Développer le «savoir voir» nous permet de reconquérir notre libre arbitre et d’oser davantage la diversité.»

1. Diversifier les supports

Afin d’augmenter sa capacité critique et favoriser la prise de distance, il est important de regarder plus attentivement et de comparer toutes sortes de supports: les journaux, le téléjournal, les blogs, etc.

2. Réfléchir à sa représentation de la beauté

Il est bon de réfléchir à la représen­tation qu’on se fait de la beauté et à nos préférences esthétiques: d’où vient le fait que l’on favorise généralement la minceur chez la femme et les muscles chez l’homme? Quelle est l’influence de notre environnement familial? Du milieu culturel? De la pression du groupe? Pour mieux comprendre cette représentation, on peut également se demander: et si j’étais né(e) il y a cent ans, quels seraient mes critères de beauté? Et dans un autre pays, différent du mien?

3. Traquer les stéréotypes

Observer et analyser les publicités: quels sont généralement les messages écrits et visuels véhiculés lorsqu’on montre une femme ou une petite fille, ou qu’on cible un public féminin? Et lorsque le modèle est masculin et que la pub s’adresse aux hommes ou aux garçons? On remarque très vite un nombre effarant de stéréotypes dans le choix des mots. Pour le public masculin: aventureux, courageux, fort, etc. Et pour les filles et femmes: douce, princesse, timide, entre autres. Et la position adoptée par les ­modèles. Souvent, l’homme ou le garçon est fièrement campé sur ses deux pieds et lève le menton d’un air combatif, tandis que la femme ou la petite fille croise les jambes, se déhanche, se trouve à l’arrière-plan, etc. À noter, hélas, que ces stéréotypes ne ­s’observent pas uniquement dans la publicité, mais reviennent ­fréquemment dans toutes sortes d’imageries.

4. Multiplier les points de vue

Lorsqu’on est face à une image, l’imaginer sous plusieurs points de vue, en se demandant par exemple comment est-ce qu’on l’aurait vue à l’âge de 6 ans? Si on était timide? Si on était une fille/un garçon?

5. Comparer des photos «avant-après»

Les photos de stars maquillées et non maquillées abondent sur le web. C’est intéressant de les observer pour comparer l’«avant-après» et voir à quel point on peut transformer quelqu’un par la simple magie d’un maquillage réfléchi et sophistiqué. Mais attention, il s’agit de comparer ce qui est comparable. Certaines photos d’«avant» sont parfois déjà retouchées, il faut analyser des photos prises avec une lumière et un angle de vue similaires. Il suffit en effet de très peu pour que l’angle esthétique soit déjà très différent!

6. Différencier le type de «retouches»

Attention à bien différencier le travail effectué sur les prises de vue. Il peut en effet y avoir un simple travail d’éclairage ou alors l’effet du maquillage, de la chirurgie esthétique, des retouches de l’image. Il est important de différencier ce qui appartient à la personne et ce qui relève de la manipulation visuelle. Cela permet de prendre une distance bienvenue dans ce monde où l’image règne en maître.

7. Observer différents selfies

Autre petit exercice très instructif: regarder ses selfies et ceux des autres. Il y a un aspect ludique dans le selfie, bien sûr, mais l’impact de la mise en scène et des retouches est le même que dans les autres domaines.

8. Discuter en groupe

Il est intéressant de discuter en groupe de ce que chacun voit dans une image spécifique, une photo, etc. On remarque alors que chacun possède ses propres filtres et que la conception de la beauté varie beaucoup d’une personne à l’autre. Dans ce domaine, personne n’a raison ou tort. C’est juste une question de goût.

9. Tester l’image qu’on donne de soi

S’amuser à observer les réactions de son entourage selon la manière dont on s’habille. Essayez un look tendance ou alors plus féminin ou plus masculin? Le regard des autres change. L’entourage peut être plus aimable avec nous. Difficile de soutenir que l’image n’a aucune influence!

10. Rester humble

«Plus on en sait et plus on découvre que l’on ignore beaucoup de choses. On est tous manipulateurs et manipulés», souligne la spécialiste. Il s’agit donc de rester humble pour être plus ouvert à l’apprentissage. On se ment à soi-même si on est persuadé de tout savoir et de contrôler la situation.

11. Ralentir le mouvement

Tout va à une telle vitesse de nos jours qu’il est bon de ralentir le mouvement. Cela permet d’améliorer nos évaluations et d’affiner notre jugement, de manière à développer un précieux regard critique.

Plus d'articles