Yann Rieder, en quoi le podcast natif se démarque- t-il des autres médias?
Il permet d’aller plus loin que les médias généralistes en donnant notamment la parole à des experts ou à des passionnés d’un domaine donné. Il offre aussi le temps et l’espace nécessaires pour que leurs idées et leurs propos puissent se déployer. De plus, aujourd’hui, n’importe qui peut réaliser un podcast et le diffuser sur internet. Il s’agit donc de l’un des derniers modèles de distribution encore extrêmement décentralisé qui, à ce titre, colle au rêve du scientifique Tim Berners-Lee qui a inventé le web au Cern en 1989.
Y a-t-il en Suisse un véritable engouement pour ces contenus?
Pour l’instant, il est encore assez timide. Il faut dire que le podcast natif est arrivé en Suisse assez tard. Pour que les gens prêtent attention à ces contenus, il faut déjà qu’ils sachent qu’ils existent. Et pour cela, il faut une sorte d’acculturation qui, pour l’heure, n’est pas encore atteinte. À cela s’ajoute le fait qu’il y a en Suisse un plus grand attachement pour les médias traditionnels que chez nos voisins français par exemple. Par conséquent, nous sommes peut-être moins rapides à nous reporter sur d’autres types de médias qui ne bénéficient pas, par défaut, de la même confiance ou du même intérêt. C’est peut-être l’une des raisons de cette plus faible popularité du podcast chez nous. En tout cas, ce n’est pas lié à des causes technologiques puisque les Suisses ont beaucoup plus vite adopté le smartphone que leurs
voisins.
Les podcasts sont donc aujourd’hui avant tout écoutés via les smartphones?
Oui, d’abord parce que c’est mobile, pratique, à portée de main et qu’on peut donc écouter son podcast partout: en faisant la vaisselle, son footing ou en allant au travail. Ensuite, pour écouter ses podcasts, on a besoin d’une bonne application bien faite, en laquelle on a confiance. Et ces applications-là sont essentiellement disponibles sur l’appareil de connectivité roi – le smartphone – ce qui a centré les usages sur cet outil.
Comme Netflix ou Youtube, avez-vous aussi constaté un pic d’audience sur votre plateforme de podcasts durant le semi-confinement?
Non, c’est plutôt le contraire: nous avons constaté une baisse nette du nombre d’écoutes et de téléchargements en mars, avril et mai. L’analyse que j’en fais, c’est qu’avec le semi-confinement, la possibilité de consulter un écran est devenue beaucoup plus grande. L’écoute en podcast est quant à elle préférable quand on est dans le train, quand on se déplace et qu’on n’a pas la possibilité de concentrer son attention visuelle à tout moment sur un écran. Or, ces moments de la vie ont nettement diminué.