D’emblée, l’on constate que ce n’est pas qu’un simple recueil de recettes pour semi-confinés, mais plutôt une invitation à découvrir des facettes souvent méconnues de notre patrimoine. «J’ai un peu appris la Suisse à travers la nourriture, raconte Heddi Nieuwsma. Les spécialités boulangères en disent ainsi long sur l’histoire, la culture et la géographie de votre pays.» Saviez-vous, par exemple, que les Singinois utilisent une sorte de bretzel – l’Agathabrötli – comme amulette pour se prémunir contre les incendies ou que le pain paysan a été créé en 1955 pour écouler une partie de la production excédentaire de lait?
Feuilleter cette bible s’avère enrichissant, passionnant même. Et appétissant aussi avec ses photos alléchantes signées Dorian Rollin. Perfectionniste, notre interlocutrice a testé et retesté la quarantaine de recettes qui y figurent. «Il fallait absolument qu’elles fonctionnent.» Même son époux Nate, des amis et des membres de sa famille ont dû mettre la main à la pâte. «Ma cousine au Minnesota a fait la couronne des rois.» Quant à ses deux garçons, ils ont adoré goûter à tous ces mets. Avec une préférence pour le Böllewegge de Thurgovie, un chausson fourré aux oignons.
«Pour les touristes, la Suisse c’est le fromage et le chocolat bien sûr. Mais il y a tellement d’autres produits du terroir à découvrir. À travers mon livre et le pain, j’avais envie de montrer cette incroyable diversité qui est concentrée sur un si petit territoire et aussi de promouvoir le travail des boulangers qui sont un peu les gardiens de ces traditions.» Son ouvrage est le fruit de son insatiable curiosité ainsi que des nombreuses pérégrinations et rencontres gourmandes qu’elle fait pour alimenter hebdomadairement son blog «Cuisine Helvetica».
Mais comment diable une Américaine en est-elle venue à s’intéresser à notre art culinaire? Tout a commencé en 2012 lorsqu’elle a débarqué avec mari et enfants à Neuchâtel. «Comme mes fils étaient petits – ils avaient 14 mois et 4 ans –, j’ai endossé le rôle de mère au foyer dans notre famille», explique Heddi Nieuwsma. Du coup, cette universitaire, qui venait de quitter son job de chercheuse à Boston, s’est mise à cuisiner comme jamais. D’autant que son cadet souffrait de diverses allergies. «Je devais contrôler tout ce qu’il mangeait.» Heureusement, ça s’est arrangé depuis.