Sandy Kaufmann, rencontrer l’amour à l’heure du Covid, n’est-ce pas un défi impossible?
Pas tant que ça, en fait. C’est vrai qu’il y a moins d’endroits où l’on peut se réunir en masse. Mais on peut toujours rencontrer l’amour! Cette période de semi-confinement, qui offre moins de distractions et de choses à faire à l’extérieur, nous pousse en fait à nous poser les vraies questions: qu’est-ce qui est important dans notre vie? Pendant cette crise sanitaire, beaucoup de célibataires ont justementpris conscience que partager sa vie avec quelqu’un était essentiel.
D’où l’idée d’organiser un atelier à l’intention des personnes seules?
L’isolement a généré beaucoup de réactions émotionnelles. Nous ne sommes pas faits pour être seuls, nous sommes des animaux sociaux, qui avons besoin d’interaction. Le home office, les contacts limités, l’absence de rendez-vous et la perte de repères ont amené les gens, et surtout les célibataires,à travailler de plus en plus sans s’en rendre compte. Après six mois de télétravail, on commence à ne plus prendre de pause à midi, à ne plus faire de sport régulièrement, d’où un risque accru de burn-out. De ce point de vue-là, les célibataires sont plus vulnérables que les personnes en couple.
Quel est le premier conseil que vous leur donnez pour rencontrer l’amour?
De prendre le temps. Si on veut rencontrer quelqu’un sans investir de temps, on continuera à ne rencontrer personne. Il faut d’abord faire un travail d’introspection, déceler ce qui nous bloque en amour et adopter un état d’esprit positif avant de se tourner vers l’extérieur et de tenter une rencontre, que ce soit dans un bar ou sur Tinder.
En ce moment, c’est plutôt sur Tinder… Justement, de quel œil voyez-vous ce genre de sites?
Ils sont une opportunité unique de pouvoir rencontrer assez facilement des gens et de voir s’ils nous correspondent en termes de valeur, de phases de vie, de timing. L’amour, c’est aussi une question de statistiques: on n’est pas compatible avec tout le monde. Si on a 10% de gens qui nous conviennent, il faut se donner le droit de les rencontrer. Mais pour augmenter ses chances, il faut d’abord mener une réflexion intérieure, savoir quels sont nos mécanismes en amour, savoir ce que l’on cherche comme relation.
Mais que vaut un match sur un site de rencontre?
On ne peut pas le savoir à l’avance. C’est comme dans la vraie vie. Quand on croise quelqu’un dans un bar, on ne peut pas savoir si la personne va nous correspondre ou pas. Une étude de l’OFS datant de 2018 a montré que 20% des gens en couple depuis plusde cinq ans se sont trouvés grâce à des sites de rencontre. Ce qui est un chiffre non négligeable et certainement en augmentation. Une autre étude de l’Université de Genève a souligné le fait que ceux qui consultent les sites de rencontre ont vraiment envie de s’engager dans une relation et sont sérieux dans leur démarche.
Trouver l’amour, c’est le fruit du hasard ou le résultat d’une bonne photo de profil?
Ni l’un ni l’autre. Il faut surtout changersa vision de l’amour, ne pas rester coincé dans des schémas amoureux plus ou moins conscients. Ceux-ci sont basés sur des expériences passées, qui remontent parfoisà l’enfance, comment on a vu nos parentsen couple, quelle relation on avait aveceux, nos premiers flirts... Ces croyances sont soit aidantes, si elles nous donnentune vision positive de l’amour, soit limitantes, si elles nous en donnent une vision négative.
Autrement dit, il ne faut pas changer de partenaire, mais d’état d’esprit…
La plupart du temps, c’est ça! Je ne dis pas qu’il faut rester ensemble à tout prix, mais dans beaucoup de cas, en travaillant surses croyances, on se rend compte que le problème ne vient pas de l’autre, mais de notre vision à nous, qui peut nous empêcher de nous positionner ou de communiquer clairement. On ne fait pas exprès d’adopter des croyances limitantes, mais quand l’échec amoureux se répète, c’est qu’il y en a probablement une.
Un exemple concret?
J’entends souvent cette phrase: «Je ne comprends pas pourquoi j’attire toujours des personnes qui ne veulent pas s’engager dans une relation.» Est-ce un manque de chance? Je crois plutôt que si l’on rencontre des personnes indisponibles, c’est que l’on a peur soi-même d’entrer dans une relation. Une peur liée à des expériences passées, qui ont inscrit dans la mémoire inconsciente que s’engager dans une relation avait un prix négatif. C’est le souvenir par exemple d’une maman qui se sacrifie dans le couple, d’une relation où l’on n’a pas pu être soi-même, où l’on a été trahi… C’est en faisant son propre bilan que l’on prend conscience des possibles schémas amoureux qui nous enferment. Et que l’on peut commencer à les changer.
Est-ce vraiment possible de se déprogrammer?
L’approche psychocorporelle de l’étiopsychologie est intéressante. Elle montre que les schémas se sont enregistrés au moment d’un stress lors d’une mauvaise expérience. Sous stress, ce n’est plus le cerveau rationnel, mais le cerveau reptilien qui prend le contrôle.Or, celui-ci décide d’une réaction immédiate, fuite, immobilisme ou attaque, et l’accompagne d’une émotion comme la colère, l’angoisse ou la peur. Ce cerveau reptilien enregistre alors dans sa base de données cette réaction qui nous a sauvé la vie. Et à chaque nouvelle situation de stress, il reproposera le même schéma de réaction. Cette mémoire de survie ne se situe pas seulement dans la tête, mais aussi dans le corps. Ce qui explique des dissonances parfois entre la volonté du cerveau rationnel et les réactions physiques. Pour se déprogrammer, il faut donc identifier le premier événement qui a généré ce schéma réactionnel et apaiser, par des massages spécifiques, les organes impliqués à ce moment-là. Le but est de désamorcer le cerveau reptilien.