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Mélodie Zhao

Elle décloisonne les genres

Pianiste à la carrière internationale, Mélodie Zhao organisera à Saint-Prex (VD) Spectrum, un festival mêlant musiques classique et électronique – pour une expérience auditive inédite.

Texte Pierre Wuthrich
Photos Darrin Vanselow
Date
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Mélodie Zhao: «Organiser un énième festival classique ne m’intéresse pas. Je souhaite proposer quelque chose de nouveau».

«A Berlin, il n’est pas inhabituel de commencer sa soirée à la Philharmonie avec un concert de musique classique et de la terminer dans un club», note Mélodie Zhao qui après avoir grandi à Saint-Prex (VD) réside dans la capitale allemande, une ville où les habitants font preuve d’une grande curiosité culturelle, tout en ne tournant pas le dos à leur patrimoine musical.

«A ma connaissance, on ne trouve cette ouverture d’esprit nulle part ailleurs en Europe, et j’aimerais montrer aux mélomanes suisses que les deux genres ne sont pas contradictoires. L’électronique est né dans la continuité du classique.»

A cette fin, la pianiste à la carrière internationale a imaginé Spectrum, un festival alliant concerts payants et gratuits et qui se déroulera les 11 et 12 septembre à Saint-Prex. «La programmation est volontairement éclectique afin que les auditeurs puissent profiter d’une expérience sonore la plus complète possible.» Des crossovers, soit des remakes d’œuvres classiques, alterneront ainsi avec des créations mondiales. A ce spectacle auditif s’ajoutera un autre, visuel cette fois, avec des projections d’art numérique durant les performances, mais sans toutefois tomber dans une ambiance de boîte de nuit.

«Organiser un énième festival classique ne m’intéresse pas. Je voudrais proposer quelque chose de nouveau qui renouvelle le langage musical. Et puis, j’ai vraiment envie que les publics de tous horizons se rapprochent et échangent entre eux.»

A vos agendas

Spectrum Classic-Electronic Festival, 11-12 septembre 2021, Saint-Prex (VD), www.spectrumfestival.ch

Surtout, Mélodie Zhao, qui a déjà joué sur les grandes scènes européennes, asiatiques ou new-yorkaises et enregistré plusieurs CDs salués par la critique, a envie de casser les codes, propres à la musique classique. «On va parfois au concert comme on va au musée. On écoute les musiciens religieusement et on applaudit sans excès à la fin de la performance. Mais tout cela manque souvent d’authenticité et de partage. Cela peut être frustrant pour les artistes qui donnent toute leur énergie et ont sacrifié leur jeunesse pour arriver à ce niveau.»

La pianiste, qui a plusieurs fois reçu des bourses d’études du Pour-cent culturel Migros durant sa formation, ne snobe toutefois pas le monde du classique. «Je suis une vraie classiqueuse, que ce soit au niveau de la technique et de l’interprétation. J’aurai de plus toujours le respect des textes et continuerai à donner des récitals. Mais quand je joue Beethoven ou Liszt par exemple, je suis au service de ces compositeurs et ne peux pas exprimer mon originalité à 100%.»»

C’est pourquoi, Mélodie Zhao se dirige toujours plus vers la composition d’œuvres propres, qui lui permettent par la suite de s’exprimer sans corset sur scène. «L’inspiration me vient notamment quand j’improvise au piano. Je joue sans filtre et note ensuite les idées qui me paraissent prometteuses.»

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Dans le cadre du Spectrum Classic-Electronic Festival, la jeune musicienne interprétera d’ailleurs en création mondiale «Berlin suite», une série de pièces décrivant les paysages, la culture et la souffrance qu’a connue la capitale au cours de son Histoire. «Il s’agit d’une composition pour piano, chant, préparation électronique, orchestre à cordes et thérémine, un instrument très expressif qui rappelle un peu la voie humaine. Je suis très excitée et impatiente à l’idée de présenter cette œuvre.» Surtout que, pour la première fois en concert, Mélodie Zhao chantera. «Je me suis mise au chant en composant «Love Instead», une chanson qui dénonce le racisme anti-asiatique et qui a fait l’objet d’un clip tourné par ma sœur Cadenza avec la participation de Stéphane Lambiel, un sportif que j’admire beaucoup pour sa capacité à allier technique et art.»

 Mélodie Zhao chante «Love Instead».

Cette thématique trouve une résonance toute particulière en Mélodie Zhao, elle qui, durant son enfance, a connu les moqueries au quotidien de la part de certains de ses camarades et ce, dans l’indifférence des professeurs. «Ma sœur et moi avons beaucoup souffert, et beaucoup d’enfants asiatiques perdent confiance entre eux à cause de cela. J’avais besoin et envie de les soutenir. Je ne me considère pas comme militante mais souhaite faire passer un message: en choisissant l’amour plutôt que la peur tout le monde en sortira gagnant.» Et pour faire passer le message, rien ne vaut la musique.

C’est vite dit

Mon compositeur préféré: «Anton Bruckner car j’aime me perdre dans son univers. J’admire aussi John Williams, qui est un génie de la mélodie, et la fascinante Amy Winehouse.»

Mon héros dans la vie: «Franz Liszt. Il a fait avancer le langage musical en le faisant passer du romantisme à l’impressionnisme et a toujours beaucoup soutenu ses pairs. Il a de plus vécu pleinement son existence en passant de libertin à prêtre!»

Ma devise: «J’aime celle de Saint-Prex – Laissons dire et faisons bien– car il ne faut pas trop prêter attention aux critiques ou aux louanges. Chacun propose sa propre réalité.»

Mon pire défaut: «J’ai du mal à m’arrêter de travailler.»

La qualité que je préfère chez quelqu’un: «La bienveillance. Cela devrait être la mission de chacun d’entre nous que d’être bienveillant.»

Je ne supporte pas: «Le racisme, surtout de nos jours où toutes les cultures sont à portée de main.»

J’aurais aimé être: «Une super-héroïne, genre kung-fu girl qui sauve le monde. Quand j’étais plus jeune, ce genre de personnages me fascinaient.»

J’aimerais mourir: «Sans douleur… Sinon, je ne redoute pas spécialement la mort.»

J’aimerais me réincarner: «Mais pour autant que ce soit pour une nouvelle existence humaine. Cela me permettrait de continuer à travailler sur la musique que je n’aurais pas encore achevée.»

Ma définition du bonheur: «Pour être heureux, ce qu’on pense, ce qu’on dit et ce qu’on fait doivent être en adéquation.»

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