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Educateur canin

«Les trois erreurs à ne pas commettre avec Médor»

La psychologie des toutous, c’est son grand dada! Martin Rütter est éducateur canin depuis presque trente ans. Cet expert international raconte son amour pour le meilleur ami de l’homme et distille de précieux conseils.

Texte Dario Aeberli
Date
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Educateur canin, Martin Rütter connaît les chiens comme peu d'entre nous (photo: Alex Stiebritz).

Martin Rütter, vous souvenez-vous encore de votre premier chien? 

Bien sûr. Elle s’appelait Mina, c’était une chienne golden retriever. Quand je l’ai eue, j’avais 25 ans et je possédais une école canine depuis trois ans et demi. J’avais déjà dressé 600 chiens avant d’avoir le mien. Mina a vécu plus de seize ans et, même à la fin, elle trouvait encore l’énergie de gravir le tas de compost et de faire un sort aux caisses de pommes (Rires)

Emmenez-vous votre chien partout? 

Oui, ma chienne Emma est toujours avec moi. Y compris pendant les tournages et lors de mes tournées. Mais elle ne monte pas sur scène, bien évidemment. Pendant les spectacles, elle reste avec des personnes de confiance, dans un hôtel ou une belle prairie. Ce n’est que la dizaine de jours par an où je dois prendre l’avion,
par exemple, qu’Emma reste à la maison chez mon amie. 

Avez-vous adopté un chien durant la pandémie?

Pendant la pandémie, beaucoup de gens ont pris un chien. Qu’en pense l’expert?

Cela me laisse perplexe. Pendant la crise sanitaire, j’ai fortement déconseillé d’acquérir un chien. Se dire «Je n’ai rien à faire donc je vais prendre un chien» n’est pas une bonne chose. Parce que le chien sera toujours là une fois la pandémie terminée. Et même si on a beaucoup de temps sur le moment présent, il faut vraiment se demander si son quotidien est adapté à une boule de poils. Par exemple, si je dois de nouveau passer dix heures au bureau après la crise, mais que je ne peux pas y emmener mon animal, la question ne se pose même pas. 

Quelles sont les erreurs de débutant les plus courantes que font les nouveaux propriétaires de chiens? 

Il y a trois erreurs absolues. L’humanisation extrême, car elle crée des attentes que le chien ne pourra jamais satisfaire. Un animal à quatre pattes ne peut pas penser et agir comme une personne. 

Quoi d’autre? 

Le manque de cohérence. Les gens établissent des règles, mais se montrent ensuite trop laxistes. Tous les dimanches, le chien est autorisé à s’asseoir à la table du petit-déjeuner et à manger des saucisses de foie, mais pas les autres jours. Il est alors impossible pour l’animal de s’y retrouver. Un chien a besoin de règles claires. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra établir une relation de confiance avec son maître et se fier à lui, même dans des situations difficiles. 

Et quelle est la troisième erreur?

Le manque d’occupation. Les chiens ont besoin d’exercice, physique et mental. 

Pour encourager les mouvements

Vous avez étudié la psychologie animale en Suisse. Comprend-on un peu mieux les animaux en Suisse qu’en Allemagne? 

Je dirais que oui. En ce qui concerne le niveau d’éducation des propriétaires de chiens, les Suisses ont une longueur d’avance. C’est aussi ici que nos séminaires du week-end attirent le plus de monde. Dans les pays germanophones, l’Allemagne occupe la troisième place en matière d’éducation canine.  

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Martin Rütter a toujours eu un lien particulier avec les chiens, même s'il ne pouvait en avoir lorsqu'il était enfant. (Photo: obs/Tractive Sàrl).

Comment êtes-vous parvenu à la conclusion qu’un chien vous conviendrait? 

J’ai toujours eu un lien étroit avec les chiens, même si je n’ai pas eu le droit d’en avoir quand j’étais enfant. Mes parents considéraient comme superflu tout animal qu’on ne pouvait pas mettre sur le gril et manger. Mais durant ma jeunesse, j’ai promené les chiens du voisinage et caressé sans conviction ceux de ma tante Thea. 

Caressé sans conviction? 

Oui. Ma tante avait une sorte de foyer pour animaux errants dans les années 1980. Elle possédait le don particulier de rendre en quelques semaines des chiens, qui étaient adorables au début, si fous qu’on ne pouvait plus entrer dans la maison sans avoir peur. À l’époque, la raison pour laquelle tant de personnes autour de moi avaient des problèmes avec leurs chiens m’intéressait déjà beaucoup. 

Vous dites que derrière le mignon teckel se cache un chasseur coriace. Y a-t-il d’autres races que nous sous-estimons?

Tout à fait. L’une des races les plus méconnues est le caniche. Il n’est pas fait pour qu’on lui mette une couronne sur la tête et du vernis sur les griffes. C’est un chien de chasse. Il est persévérant, créatif, intelligent et très facile à éduquer. Si vous ne lui coupez pas la queue et ne lui donnez pas cette ridicule petite couronne, c’est aussi un chien magnifique.

Il y a une photo de vous sur laquelle un chien semble vous murmurer quelque chose à l’oreille. Comprenez-vous le langage chien? 

Disons que je comprends le langage de nos chiens, qui est très silencieux. En effet, ces animaux communiquent principalement de manière visuelle, c’est-à-dire par le langage corporel. Même les plus petits gestes ont une signification, un léger changement de posture dit quelque chose de complètement différent. 

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Martiner Rütter: «On a souvent l’impression que les chiens peuvent lire dans nos pensées» (photo: Guido Engels).

Est-ce que cela signifie que les chiens perçoivent plus de choses que nous?

En effet. Les chiens sont des observateurs hors pair, ils ont appris à déchiffrer les êtres humains et leur langage corporel. On a donc souvent l’impression qu’ils peuvent lire dans nos pensées. Avant même que nous ne prenions la télécommande pour éteindre la télévision et faire une dernière balade, l’animal saute et court joyeusement vers la porte. Il a compris à partir de notre comportement que la fin de la soirée approchait. Peut-être parce que son maître soupire toujours à ce moment précis, qu’il s’étire, ou regarde vers la porte en pensant à la promenade à faire. À ce propos, je conseillerais à toute personne qui envisage d’accueillir un chien de se renseigner sur le langage canin et sur la manière de le garder dans des conditions adaptées à son espèce. 

Vous avez déjà visité des élevages de loups. Quelle est la part du chien dans le loup et, inversement, quelle est la part du loup dans le chien?

Il a été prouvé que le loup est l’ancêtre du chien. Et même si le comportement de nos chiens domestiques n’est pas dérivé à 100% du loup, on retrouve toujours certaines attitudes de ce dernier chez nos fidèles compagnons. Tous les chiens sont notamment dotés de dents qu’ils peuvent utiliser. Au mieux pour se nourrir, au pire pour se défendre ou attaquer. En tant qu’être humain, il faut toujours en être conscient! 

Bio express

Martin Rütter

Martin Rütter, dresseur de chiens, dirige des écoles canines en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Suisse, dont une à Fribourg. Cet Allemand de 51 ans a connu la célébrité dans les années 1990 avec une série d’émissions de télévision et de spectacles. Il a en outre écrit des livres sur l’éducation et la communication canines. 

Les chiens peuvent guider les aveugles, trouver des bombes, détecter le diabète chez les humains, anticiper les crises d’épilepsie et apporter du -réconfort. Qu’est-ce que vous préférez chez ces boules de poils? 

Cette incroyable diversité. L’univers canin est si riche qu’on ne s’y ennuie jamais. Ce qui est passionnant, c’est que chaque chien est un individu à part entière et incarne donc une personnalité unique. J’aime partir à la découverte de cette personnalité et comprendre ce qui l’anime. Au final, une chose est claire: ce n’est que si l’on traite chaque chien individuellement, que l’on étudie son caractère et que l’on s’occupe de ses forces et de ses faiblesses, qu’il peut y avoir une relation harmonieuse entre l’homme et son compagnon. De plus, aucune autre espèce animale ne tisse un lien aussi fort avec l’être humain.  

Qu’est-ce qui est le plus fréquent: des chiens ou des personnes incorrigibles? 

Des personnes, sans aucun doute. Le problème est toujours l’être humain, dans 99% des cas. La plupart du temps, celui-ci manque de cohérence et de discipline, des éléments indispensables dans l’éducation canine. Il doit y avoir des règles fermes auxquelles les deux parties doivent se conformer. Si le maître ne veut pas que le chien aille sur le canapé, il doit le lui montrer systématiquement. Non aujourd’hui, mais oui demain: cela ne fait que semer la confusion dans la tête du chien. C’est donc contre-productif. Il est essentiel que le maître ait le pouvoir de décision, cela favorise la confiance chez l’animal.

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Martin Rütter est toujours en compagnie de chiens (photo: Guido Engels).

Quels ont été les cas difficiles pour lesquels vous avez réussi à apporter une aide efficace? 

Il y en a eu et il y en aura toujours. La situation était assez absurde. Le mari a dormi sur le canapé pendant trois ans parce que le chien ne voulait pas qu’il reste dans la chambre avec sa maîtresse (Rires)

Et qu’avez-vous fait? 

Le plus difficile n’était pas de travailler avec le chien, mais avec la maîtresse. Il fallait en effet la convaincre de changer. Plus sérieusement, il s’agit souvent de faire prendre conscience aux personnes que leur comportement n’est pas adapté. Pour résumer, le chien est rarement à l’origine du problème, c’est l’être humain qui doit repenser et changer ses attitudes et son comportement. 

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