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Les Suisses sont-ils sensibles à l’écologie?

Beaucoup veulent agir de façon écologique et durable, mais qui le fait réellement dans la vie quotidienne? «Migros Magazine» a enquêté à l’échelle nationale. Résultats: la viande, l’avion n’ont plus la cote. Parallèlement le CO2 reste pour nombre d’entre nous une valeur abstraite.

Texte Kian Ramezani
Date
Bild: Getty Images

Selon le sondage de «Migros Magazine», 55% des Suisses déclarent faire attention aux émissions de CO2 lors de leurs achats (crédit: Getty Images).

La consommation durable est à l’ordre du jour si nous souhaitons léguer aux générations futures une planète intacte et agréable à vivre. Un point sur lequel tout le monde est plutôt d’accord. Après le rejet de la loi sur le CO2 en juin, des doutes discrets sont apparus. Les Suisses prennent-ils au sérieux la protection de l’environnement et du climat? Une enquête représentative* commandée par «Migros Magazine» fournit des résultats surprenants: seule la moitié des personnes interrogées affirme faire attention aux émissions de CO2 lors de sa consommation.

Dans l’ensemble, l’image qui se dégage est celle d’une majorité concernée qui apporte sa contribution ou veut le faire. Que ce soit en achetant des produits régionaux, en se passant de sacs en plastique ou en prenant moins l’avion. Cependant, nous jugeons sans doute nos actions plus durables qu’elles ne le sont en réalité, estime Jakub Samochowiec, du Gottlieb Duttweiler Institute, qui a analysé les résultats de l’enquête (lire ci-dessous).

Quelle importance accordez-vous à la durabilité?

78%

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… des personnes interrogées déclarent que la durabilité joue un rôle important pour elles dans leurs achats, leur consommation et leur mode de vie. Cette proportion est similaire pour l’ensemble de la population suisse, indépendamment de la région linguistique, du sexe, du revenu, de la formation et de la taille du ménage. Seules 6% estiment que la durabilité n’est pas importante.

Que représente le développement durable pour vous?

55%

... déclarent faire attention aux émissions de CO2 lors de leurs achats. Cela semble tout à fait respectable à première vue – mais c’est en réalité la valeur la plus faible par rapport à d’autres facteurs: le bien-être des animaux (81%), l’origine suisse (80%), la production régionale (78%), les emballages en plastique (75%) et le respect des droits de l’homme (74%) sont jugés nettement plus importants. Les femmes, les personnes âgées et les Tessinois donnent généralement une note plus élevée à la plupart des aspects.

L’homme est-il à l’origine du changement climatique?

7%

... doutent de l’impact des actions humaines sur le changement climatique. En revanche, 78% sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle l’activité humaine contribue largement au réchauffement de la planète et à ses effets secondaires ­négatifs. Ce chiffre est encore plus élevé en Suisse romande (82%) et au Tessin (83%).

Continuerez-vous à prendre l’avion?

48%

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... soit près de la moitié des personnes interrogées, souhaitent moins utiliser ce moyen de transport à l’avenir pour réduire leur empreinte carbone ­personnelle. Plus les personnes interrogées sont âgées (à partir de 45 ans), plus cette attitude est prononcée. Ce résultat est le même peu importe le niveau d’éducation.

Quelle place occupe la viande dans votre alimentation?

46%

... veulent réduire leur consommation de viande afin de produire moins de CO2. Ce groupe comprend le plus souvent les femmes et les personnes qui vivent en ville.

Qui sait combien de nos denrées finissent à la poubelle?

7%

... seulement sont à même de fournir une estimation correcte de la quantité moyenne de nourriture gaspillée par ménage suisse et par an! Trois quarts la sous-estiment et un quart la surestime. Le chiffre correct serait d’environ 260 kilogrammes par an.

Gaspillage alimentaire, cela n’arrive qu’aux autres?

71%

... pensent que leur ménage produit moins de déchets alimentaires que la moyenne suisse, soit d’environ 260 kilogrammes par an.

Qui voudrait acheter des véhicules moins polluants?

42%

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... prévoient d’acheter un modèle électrique (21%) ou hybride (21%) lors de leur prochain achat. 24% opteraient encore pour un moteur à essence classique, 7% pour un diesel. 15% des personnes sont dans l’indécision et 11% ne veulent pas acheter de voiture du tout. En Suisse romande (48%) et surtout au Tessin (60%), l’intention d’acheter un véhicule hybride ou électrique est plus forte qu’en Suisse alémanique (38%). Les voitures électriques sont très demandées par les hommes, les personnes de moins de 30 ans, celles vivant dans des ménages nombreux et celles ayant fait des études supérieures.

Pour quels produits êtes-vous le plus sensible à l’impact écologique?

63%

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... indiquent apprécier les fruits et légumes durables – la valeur la plus élevée. Viennent ensuite la viande et les produits laitiers, puis, avec une importance moindre, les vêtements, les produits de nettoyage et lessives, les produits de soins corporels et, de manière assez ­surprenante, le pain en dernière position. Une personne sur dix ne se soucie pas du tout de la durabilité de tous ces produits. La production durable de viande importe plus en Suisse alémanique qu’en Suisse romande. En ­revanche, c’est l’inverse en ce qui concerne les vêtements, les produits de nettoyage et de lessive ainsi que le pain.

Évitez-vous le plastique lors de vos achats?

6%

... déclarent éviter le plastique lors de leurs achats. Parmi eux, 85% apportent leurs propres sacs de courses et 70% utilisent leurs sacs pour les fruits et légumes vendus en vrac. Seules quelques personnes apportent leur contenant aux points de remplissage pour les pâtes, le riz et les légumineuses récemment introduits à Migros, ainsi qu’aux comptoirs boucherie et poissonnerie. Seuls 6 % disent ne faire aucun effort pour réduire le plastique lors de leurs achats. 25% le souhaiteraient, mais n’y parviennent pas. 

Et pour terminer, deux questions en lien avec Migros

Quel détaillant agit le plus en faveur de la durabilité?

34%

... disent que Migros est la plus engagée en matière de durabilité. Coop suit en deuxième position avec 19%. Lidl, Aldi, Denner et Volg enregistrent tous des chiffres très bas. Un bon tiers déclare ne pas être en mesure de juger la question.

Connaissez-vous le M-Check et V-Love?

60%

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... des gens connaissent V-Love, la nouvelle marque Migros de denrées alimentaires à base de plantes. Près d’un quart d’entre eux achètent également des produits végétaliens et végétariens, en particulier les femmes, les 14-44 ans, les personnes résidant en milieu urbain et les personnes plus instruites. L’échelle de durabilité des produits Migros n’est pas encore très connue: 35% connaissent le M-Check et ses cinq étoiles, et 17% l’utilisent également lors de leurs achats.

* L’enquête a été menée en ligne par l’Institut Innofact, basé à Zurich, entre le 21 et le 24 septembre 2021. L’échantillon représentatif est composé de 1033 personnes âgées de 14 à 74 ans provenant de Suisse alémanique, romande et italienne.

 Dr. Jakub Samochowiec

«Nous jugeons nos actions plus durables qu’elles ne le sont en réalité»

Jakub Samochowiec, quel résultat de cette enquête vous a le plus surpris?

Que seuls 20% veulent acheter une voiture électrique et 10% aucune. Je me serais attendu à des valeurs encore plus élevées dans les deux groupes. J’ai également été surpris par les différences plutôt faibles entre les zones urbaines et rurales. Ce fossé tant invoqué n’est évident que dans le domaine des émissions de CO2, et même là, il est plutôt modeste. 

Et en parlant de CO2, est-ce que vous vous attendiez à ce résultat?

L’intérêt relativement faible pour les émissions de CO2 est étonnant. La moitié des personnes interrogées disent ne pas y prêter attention lorsqu’elles consomment. 

Comment expliquez-vous cette faible valeur?

Je vois notamment deux raisons possibles: alors qu’il existe différents labels pour le bien-être des animaux et un petit drapeau indiquant l’origine suisse, les émissions de CO2 ne disposent pas de tels supports visuels. Migros a créé ici un instrument avec le M-Check, mais selon l’enquête, seules quelques personnes le connaissent. Et même si sa notoriété était supérieure, on peut par exemple dire que l’on n’achète plus que des produits suisses, mais on ne peut pas dire que l’on n’émet plus de CO2. Peut-être moins, mais combien de moins? Il est très difficile pour le consommateur de s’y retrouver. 

Et la deuxième raison? 

J’imagine que de nombreuses personnes considèrent que leur capacité à influencer la question du CO2 est limitée. Et c’est vrai dans certains domaines. On ne peut pas choisir le chauffage au fioul de son appartement en location, tout comme on ne peut construire soi-même un réseau public de bornes de recharge électrique. Cependant, l’expression «empreinte carbone personnelle» fait croire que l’individu lui-même est responsable. Il y a ici une tension... 

... et aussi des contradictions. Dans l’enquête, trois personnes sur quatre pensent que l’activité humaine contribue de manière significative au réchauffement de la planète.

Et le même nombre déclare que la durabilité est importante pour elles. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils font vraiment, les gens donneront comme exemple le fait qu’en vacances ils ont pris le train au lieu de l’avion ou qu’ils ont essayé un produit végétarien l’autre jour. Mais nous considérons sans doute nos actions plus durables qu’elles ne le sont en réalité. Et nous pensons également sans doute faire mieux que nos voisins.

Comme pour les déchets alimentaires. 

Là, on voit même le phénomène dans les chiffres. La grande -majorité des personnes interrogées estiment produire moins de déchets alimentaires que la moyenne, mais se trompent pour la plupart. Une autre raison de cette perception (trop) positive de soi est le désir d’avoir une image cohérente de soi. La plupart des personnes achètent un produit biologique, puis un steak venu d’Argentine. Lorsqu’on leur demande si elles adoptent des comportements d’achats plus ou moins écologiques, elles diront plutôt oui, pensant en premier lieu au produit biologique et non au steak. De cette façon, l’image cohérente de soi fonctionne et la contradiction désagréable a été évitée avec succès. En même temps, nous sommes tous contradictoires. 

Quel besoin d’action voyez-vous dans les résultats?

La Suisse a des obligations internationales telles que l’accord de Paris sur le climat et il serait donc erroné de tout laisser à la charge de la consommatrice et du consommateur. Les entreprises et la politique sont appelées à créer des offres et des structures. De sorte que, par exemple, la voiture électrique représente vraiment l’option la plus intéressante par rapport à la voiture à essence.

Jakub Samochowiec est Senior Researcher à l’Institut ­Gottlieb Duttweiler. Ce docteur en psychologie sociale analyse les évolutions sociales, économiques et technologiques en se focalisant sur les grands axes de la décision, de l’âge, des médias et de la consommation.

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