Encore un pèlerinage. Cette fois sur la Voie Jacobi, à savoir la portion suisse du chemin de Compostelle, entre le lac de Constance et le Léman. Emmanuel Tagnard, journaliste de la RTS spécialisé dans les questions religieuses, l’a effectuée en 18 jours, en a ramené une saga à épisodes publiée dans Heidi News avant de devenir un livre (Via Jacobi, sur le chemin suisse de Compostelle, éditions Saint-Augustin).
En marche donc à travers les cantons et demi-cantons de Saint-Gall, Appenzell Rhodes-Extérieures, Zurich Schwyz, Nidwald, Obwald, Berne, Fribourg, Vaud et Genève, pour des étapes d’en moyenne une vingtaine de kilomètres, parcourus en six ou sept heures. Emmanuel Tagnard y croisera, entre tant d’autres, une momie égyptienne, une Vierge noire, un pèlerin tchèque «retournant à Prague avec plus de 4'000 km à la force des mollets», des anciens toxicomanes dans un monastère à Wattwill, Timo, «le pèlerin qui dort dehors en attendant le versement de son salaire». Bref «des gens qui vous pompent l’air et des gens lumineux…mais comme on est en mouvement, on ne juge pas».
«1000 ans»: l’âge de cet illustre chemin! » s’extasie le marcheur. Sauf que la météo suisse n'est pas toujours d'une tendresse absolue. «Le grondement de l’orage se déchaine dans ma direction. Marchant d’une colline Appenzelloise à l’autre, je crains de me transformer en paratonnerre ambulant».
Mieux vaut savoir, décrète Emmanuel Tagnard que «les cinq premiers jours de marche sont toujours les plus pénibles, car le corps doit trouver le rythme qui lui convient». Passé ce délai, le constat est là: «Mes épaules sont plus légères, mon dos s'est redressé».
Les paysage semblent s’interpréter au gré de la fantaisie du marcheur. Ainsi dans la vallée de Nidwald où en 1964 fut tourné le troisième James Bond :«Les usines Pilatus servirent de décor au repère du sinistre Goldfinger …Dans l'imaginaire collectif, la Suisse devenait ainsi un lieu d’accueil pour les forces du mal».
Pour contrebalancer cette impression voici bientôt un monument à la gloire de Winkelried, le héros kamikaze de la bataille de Sempach. «Un combattant historique!» m’affirme un employé de la voirie ». Puis Flüeli Ranft, l’ermitage de Saint Nicolas de Flüe.
A Fribourg, l’abbé Ducarroz, prévôt émérite de la Cathédrale, le dit au pèlerin :«quels que soient les aléas du voyage ou les motivations du départ, on ne rentre jamais identique. On devient un peu le chemin.»
Lors de l’avant-dernière étape, entre Gland et Bogis-Bossey, le chemin en question passe à côté d’un petit cimetière campagnard. «Sur le fronton, une inscription très officielle me surprend autant qu’elle me rassure: «Ici l’égalité».
Bilan final : «J’ai fait le ménage dans ma tête en mettant le corps à l’épreuve. Les rencontres et les partages ont relativisé des difficultés. La beauté des paysage a renouvelé mon regard».