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Snus, puffs: dangers pour les ados

De nouveaux produits à base de nicotine ne cessent d’envahir le marché. Avec leur consommation de plus en plus discrète, les ados sont les premiers tentés. De quoi provoquer l’inquiétude des parents et des spécialistes. 

Texte Ariane Gigon 
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A man placing a snus under his lip. Snus, also commonly known as dip or chew, is a tobacco product that you use orally.

Le snus se présente sous forme de petits coussinets de tabac que l’on glisse sous la lèvre. (Photo Getty Images)

Snus, puff bars, qu’est-ce que c’est?

Dépassée, la cigarette, chez les jeunes? Au contraire. Les jeunes ­fument toujours les tiges blanches, et même en plus grand nombre que leurs aînés (environ 34% pour les 15-24 ans, contre 27% pour la population ­générale). Mais ils ne s’en contentent pas: nombre d’entre eux absorbent ­aussi de grandes quantités de nicotine de façon presque invisible, grâce à de nouveaux produits ne dégageant pas de fumée.

S’il existe depuis longtemps, le snus rencontre ainsi un succès grandissant chez les jeunes. Ori­ginaire de Suède, cette poudre de tabac (ni à mâcher ni à sniffer) emballée dans de petits sachets se place entre la gencive et la lèvre supérieure, de ­façon ­cachée. L’effet dure 30 minutes environ et équivaut à deux ou trois cigarettes. En Europe, le snus n’est autorisé qu’en Suisse et en Suède. Mais d’autres formes de sachets, avec nicotine mais sans ­tabac, contournent l’interdiction européenne et sont en train de remplacer le snus traditionnel.

En 2021 sont en outre apparus de petits bâtons colorés, ressemblant à s’y méprendre à des feutres surligneurs: les «puff bars», ou, tout simplement, «puffs», qui sont des cigarettes électroniques jeta­bles. Chauffé sur simple pression, leur liquide contient de la ­nicotine, des sels de ­nicotine ou de la ­nicotine synthétique, aromatisés selon d’innombrables goûts de fruits. Les sticks produisent un aérosol, et non de la fumée, et ne sentent pas le tabac. Les jeunes sont le public-cible de ces nouveaux produits colorés et sucrés, pour ­lesquels la publicité est diffusée presque exclu­sivement sur les réseaux ­sociaux. En 2022, les ventes ont progressé de 30% chaque mois, expliquait un revendeur en 2022.

Pourquoi cela attire-t-il les jeunes?

La transgression de l’interdit est un moteur d’action à l’adolescence, rappelle David Rey, président du Syndicat des enseignants romands (SER). Dans son établissement, le cycle d’orientation de Derborence à Conthey (VS), il faut parfois confisquer des puffs et alerter les parents.

Actuellement, seuls neuf cantons prohibent la vente de ­cigarettes électroniques, ­jetables ou non, aux mineurs, dont tous les romands sauf Vaud, où le Conseil d’État vient toutefoisde présenter un projet.

Si ces produits rencontrent un tel succès, c’est non seulement parce que leur consommation est presque invisible, mais aussi parce que l’addiction causée par la nicotine est très forte, souligne Luciano Ruggia, directeur de l’Association suisse pour la prévention du tabagisme. «Avec le snus et les puffs, la nicotine parvient plus vite au cerveau. Le risque de dépendance est en outre nettement plus grand chez les jeunes, dont le cerveau ne termine son développement que vers 25 ans.»

De son côté, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) met en garde: «Le marketing intensif des nouveaux produits s’adresse avant tout aux jeunes. Et plus tôt on commence à ­f­umer, plus il est difficile ­d’arrêter et l’espérance de vie est plus courte.»

Ces nouveaux produits sont-ils plus dangereux que les cigarettes traditionnelles?

Selon la Commission fédérale pour les questions liées aux addictions et à la préventiondes maladies non transmissibles (CFANT), les cigarettes conventionnelles restent «de loin les plus toxiques, tuant la moitié des personnes qui fument à long terme». Problème: «Les risques sur la santé à long terme des autres produits sont moins bien documentés.» En l’état actuel des connaissances, le tabac chauffé (cigarettes et filtres ­insérés dans un tube où ils sont chauffés) arrive en deuxième place en termes de danger pour la santé, devant les cigarettes électroniques et les sachets de nicotine (sans tabac). Problème supplémentaire: la polyconsommation est très fréquente. «Nous nous attendons à des pathologies et des cancers différents qu'avec les cigarettes conventionnelles, car il n'y a pas de combustion. Mais, étant donné les nombreuses autres substances nocives et cancérigènes, ce sont la bouche et l’œsophage qui pourraient être touchés par des maladies», ­indique Luciano Ruggia.

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Les «puff bars», cigarettes électroniques jetables, ressemblent à des surligneurs. 

Pourquoi les dentistes montent-ils au créneau?

Les médecins-dentistes sont aux ­premières loges pour constater les dégâts dus au snus et aux puffs. «Les composants du snus parviennent dans le corps par la muqueuse buccale, précise Markus Gubler, porte-parole adjoint de la Société suisse des ­médecins-dentistes (SSO). Le tabac l’abîme et peut favoriser des modifications malignes des tissus.» Autres conséquences: les gencives se rétractent et les dentsse déchaussent. Quant aux cigarettes ­électroniques, «la combustion des vapeurs pousse les cellules buccales à libérer des protéines inflammatoires qui peuvent favoriser diverses maladies bucco-dentaires.»

Que dit la loi? 

La nouvelle loi révisée sur les produits du tabac et de la nicotine va finalement entrer en vigueur au début de l’année prochaine. Elle interdira la vente de tous les produits concernés aux ­mineurs. «La Suisse sera le dernier pays européen à prendre cette mesure», rappelle Luciano Ruggia. L’arsenal juridique ne sera pas complet pour autant. Acceptée en ­votation en février 2022, l’initiative populaire contre la publicité pour le tabac à l’intention des jeunes et des enfants exigera une nouvelle ­révision de la loi. Enfin, la loi sur l’impositiondu tabac, qui prévoit l’introduction d’une taxe sur les cigarettes électroniques, est aussi en cours de révision. 

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