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Intergénération

Il n’y a pas d’âge pour la colocation

Quand les seniors partagent leur logement avec des étudiants, il y a de fortes chances pour que tout le monde en sorte gagnant. Annette Rochaix et Nadia Russo, que soixante ans séparent, peuvent le confirmer.

Texte Pierre Wuthrich
Photos Nicolas Righetti / Lundi13
Date
Colocation intergénérationnelle, Vaud janvier 2022. © Nicolas Righetti / Lundi13

Nadia Russo et Annette Rochaix disposent chacune de leur espace dans la villa familiale de l’octogénaire.

Depuis le décès de son mari il y a trois ans, Annette Rochaix, 86 ans, vit seule dans la villa familiale de La Conversion (VD), entourée par les souvenirs d’une vie. Et si l’énergique Vaudoise ne s’est jamais plainte de solitude ou n’a jamais craint pour sa sécurité, ses enfants et petits-enfants se montraient parfois soucieux de la savoir isolée.

L’arrivée de Kevin Kempter dans la vie de l’octogénaire a donc été vue comme une opportunité à saisir. Le jeune homme fraîchement diplômé d’un Master of Arts en Travail social de la HES-SO aime en effet jouer les entremetteurs avec sa plateforme de rencontres baptisée Elderli. Il ne s’agit toutefois pas ici de trouver l’amour, mais un colocataire. «Une amie m’a parlé de celui que j’appelle maintenant Monsieur Elderli en rigolant. Même si ce n’est pas anodin d’accueillir quelqu’un chez soi, j’ai décidé de l’appeler, et nous nous sommes rencontrés une première fois l’automne dernier.»

Durant cette phase initiale, le responsable d’Elderli cherche à connaître les motifs et – surtout – les exigences des seniors en termes de vie commune. Sont-ils par exemple prêts à partager la salle de bain, accepteraient-ils que le colocataire organise des fêtes, y a-t-il des tâches ménagères que l’étudiant devrait effectuer? Cette étape est décisive, car par la suite Kevin Kempter doit partir à la recherche de la perle rare afin de créer un binôme.

Lors de ses démarches, notre homme se concentre sur les étudiants afin de donner une dimension intergénérationnelle à son projet et, partant, de donner du sens à son travail. «Partager un appartement ou une maison permet à la personne âgée de voir son revenu augmenter tout en lui apportant un peu plus de vie sociale et, peut-être, la possibilité de rester chez elle plus longtemps. Pour les proches aidants ou la
famille, c’est aussi rassurant de savoir qu’une jeune personne habite avec le senior. Cela permet d’apaiser certaines craintes. Enfin, pour les étudiants, Elderli offre de nouvelles possibilités d’hébergement dans un marché immobilier saturé», résume Kevin Kempter.

Étudiante en droit à l’Univer-sité de Lausanne, Nadia Russo, 26 ans, a emménagé chez Annette Rochaix en fin d’année dernière et ne regrette pas son choix. «Je vivais avant avec d’autres étudiants mais c’était bruyant. Ici, c’est très calme et je peux me concentrer. Par ailleurs, je peux m’intégrer plus facilement ici. En étant sur le campus, on reste avec d’autres étudiants et on est un peu déconnecté de la vie. Mais pas ici. Avec Annette en décembre, nous avons participé par exemple à une fête de quartier et j’ai pu faire connaissance de tous nos voisins.»

Concrètement, les deux femmes ont chacune leur espace. Les salles d’eau sont séparées, et une seconde petite cuisine a été aménagée pour Nadia Russo dans l’ancien studio de photo du mari d’Annette Rochaix. «Nous buvons chaque matin le café et papotons un peu. Parfois, on regarde la télé ensemble. Dès le printemps, nous partagerons aussi le jardin et la piscine», se réjouit l’octogénaire.

Nous avons affaire ici à une version plutôt confort de la colocation, «mais il existe aussi des binômes qui vivent dans un 3,5 pièces», précise Kevin Kempter qui a déjà fait se rencontrer cinq paires depuis le lancement d’Elderli en 2022 et qui vise d’ici un an la cinquantaine de duos.

Le Fonds national suisse et Innosuisse soutiennent le travailleur social dans le cadre du programme Bridge: Proof of Concept. Pour ces institutions, le projet est innovant et présente un potentiel de développement intéressant grâce à sa structure professionnelle qui encadre les participants à Elderli. En effet, afin que les
colocations se déroulent sans anicroches, Kevin Kempter et son équipe assurent un suivi avec des rencontres mensuelles. «S’il y a des problèmes, ils sont alors mis sur la table, et il est souvent possible de les régler facilement.» De plus, Elderli se charge des démarches administratives – pour établir le contrat de colocation ou annoncer l’arrivée de l’étudiant dans une commune par exemple – et offre une assistance 7/7. «J’ai de plus constitué un stock de chambres de réserve si je devais reloger une personne en urgence, par exemple suite au décès d’un senior ou à une mésentente marquée.» Pour les colocataires, cela a un coût: 90 francs par mois. Mais ni Annette Rochaix ni Nadia Russo n’y trouvent quelque chose à redire. Au point que les deux femmes font désormais chacune de leur côté de la publicité pour Elderli dans leur cercle d’amis et de connaissances.

En savoir plus

Vous trouverez des informations détaillées sur la colocation intergénérationnelle sur www.elderli.ch.

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