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Chapitre 3: La betterave sucrière

La grande gagnante du changement climatique

L’automne est la saison de la récolte des betteraves sucrières en Suisse. Elles sont plus nombreuses que par le passé, car le soleil réchauffe davantage le sol.

Texte Thomas Meyer
Photos Nik Hunger
Date
Andreas Pfister hochkonzentiert im Rübenroder.

Martin Isler, 51 ans, dans son champ de betteraves sucrières de l’Oberland zurichois. Il peut être fier de sa récolte 2022.

Par un matin d’automne d’abord brumeux, puis étonnamment chaud, un monstre rouge vif se traîne sur un champ de l’Oberland zurichois. Il mesure 4 mètres de haut, 15 mètres de long et fait un vrai raffut: l’arracheuse de betteraves Terra Dos T4 extrait les betteraves sucrières du sol lors de la récolte. Le reste de l’année, elle reste au calme dans un hangar. Elle ressemble à une moissonneuse-batteuse, mais son approche est plus sophistiquée. Au lieu de simplement arracher les betteraves, elle détecte leur emplacement exact à l’aide de son énorme protubérance et oriente sa tête en conséquence. Celle-ci commence par couper le feuillage à une hauteur prédéfinie, puis extrait délicatement la racine – la betterave – du sol à l’aide d’un soc. La partie arrière du véhicule sert à ramasser les betteraves et à les amener délicatement dans ce que l’on appelle la trémie à l’aide d’une sorte d’élévateur. Elle peut accueillir 20 tonnes de betteraves. «Bien trop peu», juge Andreas Pfister, le conducteur.

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L’approche délicate de la machine est en totale contradiction avec la brutalité avec laquelle elle se déplace dans le champ. Martin Isler, un agriculteur de 51 ans, se tient au bord du champ et explique avec fierté que les arracheuses de betteraves précédentes ne pouvaient récolter qu’une seule rangée de betteraves à la fois, alors que la Terra Dos en récolte six. Elle revient en vrombissant, sa trémie est pleine. Andreas se penche hors de la cabine et demande à Martin s’il peut décharger à cet endroit-là. Martin lève le pouce. Un tapis roulant sort du côté de la Terra Dos et des centaines de betteraves tombent dans un grand fracas.

Martin Isler ist zufrieden mit der Ernte.

Martin Isler est satisfait de la récolte.

«Il y a trente ans, quand j’ai appris le métier, un hectare devait produire 60 tonnes», dit Martin une fois l’arracheuse bruyante disparue. «Mais dans ce domaine comme dans d’autres, on s’améliore sans cesse et aujourd’hui, en dessous de 100 tonnes, je ne suis plus satisfait.» Le champ s’étend sur 3 hectares, soit 30000 mètres carrés, Martin pourra donc vendre un peu plus de 300 tonnes de betteraves cette année. «On ose à peine le dire, mais nous ne profitons pas seulement des méthodes de culture, mais aussi du changement climatique. En d’autres termes, je peux semer plus tôt au printemps et les betteraves poussent plus longtemps en automne.» Pendant qu’il parle, le soleil tape fort. C’est le mois d’octobre le plus chaud depuis que l’on enregistre les températures d’octobre. «En dehors de cela, c’est évidemment un problème, surtout en ce qui concerne la sécheresse estivale. Mais aujourd’hui, aucun agriculteur ne peut prétendre être surpris.»

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Tout en parlant, Martin s’approche de temps en temps du tas de betteraves et, à l’aide d’un bâton en bois au bout duquel sont fixées deux pointes métalliques, il en retire une bien précise et la jette sur le côté. Elle est très différente des autres, pas blanche, mais noire, donc pourrie. Heureusement, les légumes gâtés ne sont pas nombreux

Pour que Martin gagne sa vie grâce à ses betteraves, ce n’est pas seulement la quantité qui compte, mais aussi la teneur en sucre, qui doit être d’au moins 16%. Il reste à voir si la récolte actuelle sera convaincante à cet égard. Martin a en effet planté une nouvelle variété, l’Escadia. Il s’agit d’une recommandation de l’association interprofessionnelle qui évalue les différentes variétés en fonction de leur rendement, de leur teneur en sucre et de leur résistance aux maladies. «Il y a quatre ans, je me suis fait avoir avec une variété», raconte l’agriculteur. «Beaucoup de plantes ont flétri à cause des champignons. On se retrouve alors avec un rendement nettement plus faible.»

Pour prévenir les maladies et ne pas utiliser le sol de manière déséquilibrée, Martin fait un roulement dans ses cultures. Au printemps prochain, il cultivera du maïs sur ce champ, puis du blé, puis du colza, puis du blé, puis à nouveau de la betterave sucrière. L’année prochaine, la Terra Dos circulera donc dans un autre coin de son terrain.

Zuckerrübenhaufen – ein Anblick, den man auf dem Land gut kennt.

Le tout est finalement entassé sur le champ.

Le tas produit par la machine est assez important, mais qu’il y ait déjà 60 tonnes est tout de même surprenant. Cela représente le poids d’environ quarante-cinq voitures, qui cependant occuperaient nettement plus de place. Il faut prendre une betterave à sucre en main pour mieux comprendre ce volume relativement faible: cette plante est très lourde. Pas étonnant qu’il faille 650 chevaux pour les extraire aussi rapidement du sol. Selon Martin, les 30000 mètres carrés devraient être récoltés en quatre à cinq heures. Andreas conduit ensuite son arracheuse chez l’un des cinquante agriculteurs de la région où elle continuera son travail. Le tas ne restera pas longtemps sur place, car les betteraves seront bientôt transportées vers leur unique destination: la sucrerie.

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