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Chapitre 1: La récolte de cacao

«Le cacao, c’est toute ma vie»

Le parcours du chocolat commence en Afrique de l’Ouest. Dans sa plantation, l’agriculteur Antoine KramohKouadio a du pain sur la planche: la récolte du cacao est 100% manuelle.

Texte Kian Ramezani
Photos Flurina Rothenberger
Date
Antoine Kramoh-Kouadio bei der Ernte auf seiner Kakaoplantage.

C’est la saison des récoltes en Côte d’Ivoire. L’agriculteur et fournisseur de Migros Antoine Kramoh-Kouadio, 32 ans, cueille les cabosses de cacao arrivées à maturité.

Avant de voir le cacao, on le sent. Dans les villages, où il sèche au soleil après avoir fermenté. Ou sur les routes, lorsque les nombreux camions vous dépassent, chacun transportant 30 tonnes de fèves de cacao. Sans parler des grands entrepôts de la côte, où l’arôme doux vous étoufferait presque. En Côte d’Ivoire, c’est la saison des récoltes et le roi cacao est partout.

Il n’y a que là où tout commence, dans les plantations de cacao, que vous ne le sentez pas. En revanche, ces exploitations sont un véritable régal pour les yeux, avec leurs arbres remplis de magnifiques cabosses qui brillent dans des couleurs jaunes, rouges et vertes. L’agriculteur Antoine Kramoh-Kouadio sait que les jaunes ont atteint le degré de maturité parfait. Il cueille les plus hautes avec une sorte de faucille télescopique et les plus basses à l’aide d’une machette. Il les ramasse au sol et les regroupe pour former un grand tas.

Cabossage: Öffnen der Schoten und Entnahme des Fruchtfleischs samt Bohnen.

Les cabosses de cacao sont ouvertes à la machette.

C’est autour de ce tas qu’Antoine s’attelle ensuite au «cabossage», c’està-dire à l’ouverture des cabosses et à l’extraction des fèves de cacao – les graines du fruit du cacaoyer. Assis en cercle, on casse les cabosses une à une, en donnant deux ou trois coups de machette précis. Les fèves sont ensuite pressées avec leur pulpe et placées dans une fosse. Lorsque celleci est pleine, elle est recouverte de feuilles de bananier. C’est là que la chaleur et les bactéries de la levure accomplissent le miracle de la nature – la fermentation – et donnent aux fèves de cacao leur goût incomparable en l’espace d’une semaine.

Kakaobohnen werden gleich vor Ort fermentiert. 

Les fèves de cacao sont fermentées sur place.

Ici, dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, non loin du petit village de Guiré, la famille et les proches d’Antoine possèdent 44 hectares de cacaoyers. Il est responsable de l’exploitation de cette surface exceptionnellement grande. La récolte, deux fois par an, est 100% manuelle. Aucun bruit de moteur, aucune machine, il n’y a même pas de vraies routes ici. Rien que le silence de la forêt tropicale. Idyllique. Ce n’est pas pour autant un métier facile. Les petites structures paysannes d’Afrique de l’Ouest, d’où proviennent les deux tiers de la production mondiale de cacao, sont synonymes de travail physique éprouvant pour ce père de famille de 32 ans. «J’aimerais que les méthodes de production soient plus modernes», dit-il. «Pour les emmener au séchage, nous portons les fèves sur notre tête jusqu’au village, et ce, jusque tard dans la nuit.»

La facture du cacao

Une cabosse de cacao d’Antoine contient une quarantaine de fèves qui donnent en fin de compte environ 200 g de cacao pur. De quoi faire 18 tablettes de chocolat au lait.

Malgré tout, Antoine est en paix avec lui-même et son travail. «Le cacao, c’est toute ma vie», dit-il. Cependant, il n’a pas vraiment choisi ce métier. En réalité, il voulait travailler dans des bureaux, mais son père, déjà âgé à l’époque, l’en a dissuadé: «Qui s’occupera de la plantation si tu pars? Ta place est ici.» Outre le règlement de la succession, son père a posé avant sa mort un deuxième jalon important pour l’avenir de l’entreprise familiale: avec des personnes partageant les mêmes valeurs, il a fondé en 2009 la coopérative de cacao Necaayo, qui a conclu un partenariat avec Migros trois ans plus tard. Aujourd’hui, 1400 familles de la région y adhèrent, dont 650 fournissent à Delica, une entreprise du groupe Migros, le cacao brut à partir duquel le chocolat Frey est produit à Buchs (AG), notamment la gamme de tablettes de chocolat Côte d’Ivoire.

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Les principales zones de culture du cacao se situent dans le sud-ouest de la Côte d'Ivoire.

Cette collaboration dure maintenant depuis plus de dix ans et les deux parties en profitent: les producteurs de cacao comme Antoine savent que Migros leur achète chaque année une partie de la récolte fixée par contrat. Au prix du marché mondial s’ajoutent des primes pour la certification Rainforest Alliance ainsi que, désormais, 50 centimes pour chaque tablette Côte d’Ivoire vendue. En 2020, un projet d’agroforesterie a également été lancé, financé par le Fonds Migros pour le climat. Des arbres d’ombrage qui améliorent le microclimat du cacao et le rendent plus résistant aux changements climatiques et aux maladies ont été plantés au milieu des cacaoyers. Qui plus est, les agriculteurs peuvent générer un revenu supplémentaire, car ces arbres produisent des fruits ou du bois exploitable. Ils absorbent par ailleurs le CO2 de l’air, ce qui améliore le bilan climatique du cacao.

Pour l’acheteur également, cette relation étroite avec les agriculteurs de Côte d’Ivoire est intéressante: Migros sait non seulement exactement d’où le cacao provient, mais aussi par qui et dans quelles conditions il est produit. Au lieu de simplement allouer des fonds pour lutter contre des problèmes structurels tels que le travail des enfants, la pauvreté et la dégradation de l’environnement, il est possible de se rendre sur place chaque année pour constater les progrès réalisés. Les améliorations sont évidentes, mais il reste beaucoup à faire ( lire chapitre 10 «L’école primaire»).

Vor dem Transport müssen die Bohnen getrocknet werden – was direkt an der Sonne bestens funktioniert.

Avant le transport, les fèves de cacao doivent être séchées - ce qui fonctionne mieux en plein soleil.

Les fèves d’Antoine ont séché au soleil ces derniers jours et sont maintenant prêtes pour leur long voyage vers la Suisse. Il les emballe dans des sacs de 60 kilos et les charge sur de petits camions. De gros véhicules n’auraient aucune chance sur les pistes de brousse non goudronnées. Dans l’entrepôt principal de la coopérative, à Guiré, des échantillons sont prélevés pour contrôler la qualité des fèves, notamment leur taille, leur degré de fermentation et leur humidité résiduelle. Si le lot est conforme, tout est chargé dans un grand camion. Après 100 kilomètres, le cacao arrive au port de San-Pédro, sur la côte atlantique. Après un nouveau contrôle de qualité, les fèves sont nettoyées et emballées dans des sacs dits d’exportation. Les fèves sont ensuite placées dans des conteneurs avant de prendre le bateau pour une traversée de près de deux semaines vers l’Europe.

Kleintransporter bringen die Kakaobohnen von den Plantagen in die Lager der Kooperative.

Des camionnettes transportent les fèves de cacao des plantations jusqu'aux entrepôts de la coopérative.

Ce transport marque la fin du travail du producteur de cacao, qui a déjà repris de plus belle dans sa plantation: récolte, cabossage, fermentation et séchage rythment la vie de l’entreprise pendant la haute saison, d’octobre à mars. De nombreuses autres personnes apporteront leur contribution avant qu’une tablette Côte d’Ivoire ne soit disponible dans les rayons de Migros. Mais tout commence dans les forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest avec des gens comme Antoine et sa famille.

L'agriculteur Antoine Kramoh-Kouadio guide à travers la récolte du cacao. Vidéo : Hassan El Assal

Tout le parcours du chocolat, de la plantation à l'étagère. Vidéo : Jana Figliuolo, Daniel Grieser, Hassan El Assal

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