Le «combat pour la vente de denrées coloniales»

Le 25 février 1930, Migros SA ouvre son premier magasin à Berne. Deux jours plus tard, trois camions-magasins partent en tournée; le même jour, Gottlieb Duttweiler adresse un télégramme au maire, où il invite ce dernier à ne pas laisser «les intérêts financiers et de clans primer sur l’intérêt manifeste du peuple». Peine perdue: sans autorisation, les véhicules sont saisis par la police. Dès le lendemain, une pluie de tracts tombe littéralement du ciel. «Je suis Fritzli Gerber, chauffeur pour Migros et aviateur à Berne», peuvent lire les passants médusés, «là où les véhicules Migros [...] sont immobilisés depuis hier, dans le dépôt de tramways de la ville. J’ai sauté dans l’avion de mon frère sans attendre sa permission car, en tant qu’enfant de la ville de Berne, je ne supportais pas de voir cela.» Les camions-magasins ne reprennent la route qu’au bout d’un an de procès. Mais les taxes sont bientôt si élevées que les véhicules finissent par vendre à perte. Du côté des magasins de la ville en revanche, on atteint des chiffres records. Duttweiler l’avait prédit: «Nous vous le disions: notre petit bateau, fin et léger, dirigé avec intelligence et porté par l’amitié des consommateurs, saura venir à bout de cette vague en dansant!» Dans le canton de Berne, les véhicules Migros ne pourront reprendre la route qu’en 1960.