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1933

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De «mi-gros» à Migros

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Gottlieb Duttweiler a bien déposé le nom de marque « Migros », mais cela n’empêche nullement nombre de commerces de détail de l’utiliser. D’une certaine manière, la jeune Migros SA est en effet victime de son succès, lequel incite un nombre toujours croissant de commerçants à glisser le mot « Migros » dans leur publicité ou leur raison sociale. Que Gottlieb Duttweiler ait fait enregistrer le nom de la société en 1925 au registre du commerce avant de faire protéger, dès 1931, l’appellation « Migros » en tant que marque verbale pour « tous les aliments, boissons, produits de lessive et de nettoyage et objets d’usage courant » par l’Office de la propriété intellectuelle ne semble pas les déranger le moins du monde. La liste des profiteurs est longue : à Berne, juste avant que n’ouvrent les premiers magasins de Migros SA, environ soixante-dix épiciers se regroupent en une Kolonial-Migros (Migros épicerie) ; une Textil-Migros-Gesellschaft (société Migros textile) voit le jour presque simultanément. À Zurich s’ouvrent une Möbel-Migros (Migros meubles) ainsi qu’une Migros-Schuhhaus AG (Migros chaussures SA), initiative du dénommé Carl Dosenbach, vendeur de chaussures de son état. Une certaine coopérative Migros pour produits textiles et articles de soie a même l’audace de « demander instamment » à sa clientèle dans une réclame de «ne pas [la] confondre avec d’autres entreprises au nom proche ». Trois de ces sociétés vont jusqu’à faire enregistrer leur raison sociale au registre du commerce. En 1932, Gottlieb Duttweiler intente un procès à trois des entreprises qui utilisent le mot Migros dans leur nom. Le résultat est contrasté : s’il obtient gain de cause par deux fois à Zurich, il perd à Berne. Tous les perdants portent alors leur affaire devant le Tribunal fédéral, de sorte qu’elles sont toutes trois examinées le 7 mars 1933 à Lausanne. Pour Gottlieb Duttweiler, c’est une partie de poker qui se joue. Car dans ce genre d’affaires, les juges ne protègent habituellement pas les dénominations spécifiques d’usage courant telles que « en mi-gros ». Mais, surprise, la majorité des juges se rangent de son côté. Dans les considérants de l’arrêt du tribunal, on peut lire que Migros SA a « réussi, tant par une publicité intensive et adroite que par l’originalité et la popularité de ses principes commerciaux, à faire en sorte que le terme ‹ Migros › devienne, en un laps de temps assez réduit, le mot clé de l’activité de son entreprise ».