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Un jeune homme baise la main d'une jeune femme.

Musée Migros

«Les odeurs trahissent nos émotions»

Le fait que nous aimions les gens dépend en grande partie de leur odeur. La chercheuse Bettina Pause explique à quel point nous sommes guidés par notre nez dans la vie.

Texte
Michael West
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Getty Images
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Interview

Bettina Pause, une odeur peut nous rappeler soudainement quelque chose qui s’est produit il y a de nombreuses années. Quels sont les parfums qui vous transportent dans le passé?

J’ai grandi dans la ville d’Eutin, dans le Schleswig-Holstein (D). Dans le grenier de la maison de mes parents, il y avait des piles de vieux journaux, dont certains dataient même d’avant la Seconde Guerre mondiale. L’odeur du papier journal jauni et de l’encre d’imprimerie me ramène donc brusquement à mon enfance. Je ressens alors à nouveau le léger frisson et le goût de l’aventure que j’éprouvais en explorant notre grenier.

Pourquoi les souvenirs et les odeurs sont-ils souvent si fortement liés?

L’odorat est notre sens le plus ancien: il est apparu dans l’évolution avant la vue et l’ouïe et il est situé dans le cerveau juste à côté de la mémoire émotionnelle. C’est la raison pour laquelle les perceptions olfactives peuvent réveiller en un clin d’œil des sentiments du passé. Les stimuli sensoriels que nous recevons par les yeux ou les oreilles suivent un parcours plus compliqué dans le cerveau et doivent pour ainsi dire passer par un poste de commande avant d’arriver à la mémoire émotionnelle.

Lorsque deux personnes se détestent, on dit aussi qu’elles ne peuvent pas se sentir. Y a-t-il du vrai dans cette ­expression?

Que l’on apprécie spontanément une ­personne ou que l’on préfère l’éviter a ­beaucoup à voir avec son odeur. Des études ont montré que les personnes qui ont une odeur corporelle similaire sont plus susceptibles de devenir amies. Mais il est aussi ­important de savoir si quelqu’un perçoitles odeurs de la même manière que moi.

Comment cela?

Une rose n’a pas exactement le même ­parfum pour vous que pour moi. Chaque personne perçoit l’odeur de la rose de ­manière légèrement différente. Cela s’explique par le fait qu’il existe de nombreux types de cellules sensorielles olfactives. Si j’ai des cellules sensorielles dans la ­muqueuse nasale similaires à celles d’une autre personne, je perçois le monde des odeurs de la même manière. Il en résulte un point commun important qui favorise la création d’amitiés. On dit alors souvent que les gens ont le même type de sensibilité. Mais plus précisément, ils ont la même ­sensibilité nasale.

De telles similitudes sont-elles également déterminantes lorsque l’on tombe amoureux de quelqu’un?

Oui, cela joue un rôle important dans le choix du partenaire. On pourrait donc dire que l’amour passe par le nez. Cependant, le fait de tomber amoureux de quelqu’un dépend aussi de nombreuses autres ­perceptions. L’apparence, le son de la voix et toute la personnalité sont également très importants.

Les signaux olfactifs étant si décisifs, un parfum coûteux doit alors faire des merveilles. Est-ce que cela permet de se faire aimer et désirer?

Lorsque vous portez un parfum que vous aimez beaucoup, vous vous sentez plus attirant et vous avez donc peut-être davantage confiance en vous. Cela peut être un atout dans le contact avec d’autres personnes. Comme nous l’avons dit, les gens perçoivent souvent la même odeur de manière très différente. Quoi qu’il en soit, il ne faut jamais se vaporiser trop généreusement de parfum.

L’effet d’un parfum n’augmente-t-il pas lorsqu’il est particulièrement intense?

L’effet augmente certes, mais peut ­soudainement basculer dans l’autre sens. Lorsqu’un parfum devient trop fort, nous le percevons souvent comme désagréable. Une odeur très intense signale au corps que quelque chose d’inhabituel a fait irruption dans le quotidien, que quelque chose ne va donc pas. Cela a un effet irritant, voire alarmant. Et ce n’est pas l’effet que l’on ­s­ouhaite obtenir avec un parfum.

L’odorat est notre sens le plus ancien. Il est apparu dans l’évolution avant la vue et l’ouïe.

Bettina M. Pause

On lit souvent que l’on peut sentir la peur. Est-il vrai que l’on perçoit aussi les émotions des autres par le nez?

Oui, chaque personne émet en permanence des signaux olfactifs qui ont beaucoup à voir avec ses émotions. On sent donc ­différemment selon l’état d’esprit dans ­lequel on se trouve. L’odeur de la sueur de peur déclenche une réaction particu­lièrement forte chez l’autre. On le perçoit inconsciemment comme un avertissement de danger: les muscles se contractent, les sens s’aiguisent, on devient involon­tairement prudent et méfiant.

Peut-on aussi sentir si quelqu’un est malade?

Oui, c’est le cas. Le psychologue suédois Mats Olsson l’a démontré par une ­expérience: il a déclenché une minuscule infection chez certains étudiants avec une fraction de bactérie. La température corporelle des personnes concernées a ­augmenté d’un degré Celsius pendant quelques heures. Ils n’ont rien remarqué eux-mêmes. D’autres étudiants ont ensuite reniflé les t-shirts des sujets et ont trouvé l’odeur désagréable.

Pourrions-nous entraîner notre odorat pour qu’il nous guide mieux dans la vie?

C’est possible. Pour le faire, il faudrait sentir deux à trois fois par jour quelque chose dont l’odeur nous est totalement ­inconnue, par exemple un mélange d’épices exotiques ou des fleurs séchées provenant d’un pays lointain. De nouvelles cellules nerveuses se forment ainsi dans ce que l’on appelle le cerveau olfactif, et ce, au bout de six semaines seulement. Il est impressionnant de voir à quel point cette partie du cerveau est capable de se développer: un simple exercice suffit à aiguiser notre sens de l’odorat.

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