Sauver de la nourriture et aider les autres

Lundi matin, peu avant 8h30. À l’étage supérieur de la maison de quartier de Zurich Oerlikon, dix tables vides sont disposées en forme de U dans une pièce. Cinq bénévoles se tiennent prêts, comme chaque lundi, lorsque l’organisation «Table couvre-toi» distribue des denrées alimentaires. Ces produits, dont la date de conservation minimale est proche ou dépassée, ne peuvent certes plus être vendus mais demeurent de qualité irréprochable. L’année dernière, Migros a fait don de plus de 2000 tonnes de denrées aux associations «Table couvre-toi» et «Table Suisse».

Aujourd’hui, les membres de la direction générale de la Fédération des coopératives Migros sont sur place pour soutenir l’équipe de bénévoles. «Migros a l’obligation de s’occuper aussi des personnes ayant peu de moyens financiers», déclare Mario Irminger, président de la direction générale de Migros. Il se réjouit de voir que grâce à «Table couvre-toi» et à d’autres organisations, les denrées alimentaires sont redistribuées au lieu d’être jetées. Mais cela ne fonctionne que parce que de nombreuses personnes y travaillent bénévolement. Le chef de Migros et ses collègues de la direction générale n’ont pas hésité à venir donner un coup de main ce matin.

En bas, devant l’entrée, une camionnette arrive avec, à bord, des marchandises de Migros, mais aussi du pain et des pâtisseries de boulangeries proches et des denrées d’autres détaillants. En un clin d’œil, l’équipe du jour transporte les denrées jusqu’au premier étage, où la marchandise commence à s’entasser sur les tables. Le secteur le plus luxuriant est celui des légumes et des fruits frais. Mais le pain et les yogourts sont également abondants. Le choix de boissons, de pâtes et de paquets de farine est plutôt restreint. Alex Stähli, directeur de l’association à but non lucratif «Table couvre-toi», explique que l’équilibre est parfois un défi. Mais il insiste: «Nous sauvons des aliments. Notre tâche n’est pas d’assurer l’approvisionnement de base des personnes touchées par la pauvreté».

L’organisation, financée par des dons, travaille en collaboration avec des services sociaux spécialisés. Ces derniers délivrent aux personnes en situation de pauvreté des cartes de légitimation contingentées qui leur donnent accès à des points de distribution. Pour un franc symbolique, cette carte leur permet d’obtenir des produits alimentaires une fois par semaine.

Ce qui reste va dans un réfrigérateur public

10 h, ouverture des portes. La première cliente, une jeune femme avec sa petite fille à la main, entre dans la pièce. Un créneau horaire précis lui a été attribué par tirage au sort la semaine précédente. Elle va de table en table. Les bénévoles lui remettent les denrées. Mario Irminger se tient près des fruits. Selon la taille de la famille – indiquée sur la carte de légitimation – il remet plus ou moins de pommes ou de mandarines. Tout se passe dans l’ordre et le calme. Patricia Keller, responsable de l’équipe, coordonne l’entrée échelonnée et fait un brin de causette ici et là. Depuis 2019, elle est ici chaque semaine. Une cliente lui dit qu’elle doit se rendre à un rendez-vous chez le médecin le lundi matin suivant. Patricia Keller lui propose de préparer un sac pour elle et de le mettre à disposition en bas, à la maison de quartier.

Une soixantaine de personnes passent à tour de rôle. Lorsque tout le monde est parti, au bout d’une heure environ, un deuxième tour est organisé. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent à nouveau faire leur choix parmi les aliments restants. Il y a encore quelques boissons, du pain, des pommes de terre et des bananes. Après, presque tout a disparu. Patricia Keller apporte ce qui reste dans un réfrigérateur de Madame Frigo situé à l’extérieur. Celui-ci est public, peut également être rempli par des particuliers et tout le monde peut se servir gratuitement. Patricia Keller sait que certaines personnes guettent littéralement que «Table couvre-toi» apporte la marchandise du jour.

Pendant ce temps, le dernier client quitte la maison de quartier avec un chariot rempli à ras bord et un sourire sur le visage.