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Martin Fröst

Pour-cent culturel Migros

«Mozart me parle tout le temps»

Clarinettiste adulé dans le monde entier, Martin Fröst fait souffler un vent nouveau sur le classique. Il nous dit comment il s’y prend avant ses concerts avec les Migros-Pour-cent-culturel-Classics.

Texte
Pierre Wuthrich
Image
Nikolaj Lund
Date
Format
Interview

Martin Fröst, vous jouez de la clarinette depuis vos 9 ans. Pourriez-vous imaginer une vie sans musique?
Absolument pas! Vous savez, je souffre de la maladie de Menière. Cela vient par phases de plusieurs mois. J’ai alors des vertiges et des problèmes d’audition. Il me faut parfois annuler des concerts, et j’ai peur de perdre l’ouïe. Mais quand l’épisode est passé, je suis alors très reconnaissant à la vie de pouvoir continuer de jouer.

Parlons de votre jeu, justement. Vous avez réinventé la manière de jouer la musique classique. Était-ce pour éviter la lassitude de faire toujours la même chose?
Je n’ai pas réinventé la façon d’interpréter le classique, mais la manière de jouer de la clarinette. Je veux sculpter les œuvres différemment, comme je l’ai montré avec mes enregistrements de Brahms et Schumann où j’ai clairement modernisé le jeu.

Mais vous imaginez aussi des projets qui mêlent le classique à d’autres styles. Il y a aussi des effets de lumières et des parties dansées…
C’est vrai. Depuis trente ans, je souhaite faire souffler un vent nouveau sur le monde du classique et éveiller les curiosités. Je ne pense toutefois pas que le concert traditionnel va mourir, mais il y a aussi de la place pour d’autres formats.

Vous êtes conscient que vous pouvez choquer les puristes?
La plupart des gens adorent parce qu’on leur ouvre une porte sur quelque chose de nouveau. Au final, ils ne savent plus s’ils sont émus par le violoncelle qui joue en solo, par les danseurs ou par le poème que je récite. Tout s’entremêle et c’est ça qui est beau. Et puis ma démarche n’est pas gratuite. Je ne veux pas casser les codes sans raison. Il y a une histoire derrière chaque création, et cette histoire, je la raconte sur scène.

Par exemple?
Prenons le projet DNA pour «Dance Now Always», qui est né de la très dansante 7e Symphonie de Beethoven. La première partie de cette création vise à présenter les compositeurs qui l’ont influencé. La musique intègre donc des passages de Haendel, Mozart et Bach notamment. Mais nous montrons aussi comment Beethoven a marqué l’histoire de la musique avec ses structures de rythme qui ne dépareillent pas dans du Kraftwerk ou du Daft Punk. Ces deux miroirs sur le passé et le futur forment la composition «Mirrors» que nous allons présenter sous une forme concertante lors de notre tournée en Suisse avec les Migros-Pour-cent-culturel-Classics.

Imaginez que Mozart et Beethoven soient vivants et entendent cette œuvre. Que pensez-vous qu’ils vous diraient?
Je pense que Beethoven se montrerait intéressé. Quant à Mozart, il serait peut-être choqué, c’est vrai. Il aimerait sans doute la partie qui lui est consacrée, mais pas le reste. Vous savez, j’ai vraiment l’impression que je le connais et qu’il me parle tout le temps. Quand je joue son concerto, il me semble même l’entendre dire: «Oui, c’est comme ça qu’il faut le jouer.»

Vous n’êtes pas seulement un soliste, mais aussi un chef d’orchestre et un compositeur. Que préférez-vous faire?
Jouer, car j’aime produire de la musique et transmettre un message. Et puis si je veux continuer à jouer à mon niveau, je dois répéter tous les jours et ne peux donc pas trop délaisser la clarinette pour la direction d’orchestre. Je ne dirige donc pas beaucoup.

Il y a aussi la composition, avec votre frère Göran, qui est altiste. Dans le cadre de votre tournée, vous allez d’ailleurs jouer la pièce «Nomadic Dances», que vous avez composée ensemble. Est-ce facile de travailler à deux?
Oui, car on se connaît parfaitement. Généralement, je lance des idées et mon frère les développe et les concrétise. Il est un bien plus grand compositeur que moi.

Restons en famille. Vous jouez dans le monde entier, mais votre femme et vos deux enfants sont à Stockholm. Peut-on construire une vie de famille dans ces conditions?
Il y a eu des moments difficiles pour tout le monde, c’est vrai. Heureusement, nous avons pu faire des tournées aux États-Unis, en Australie ou à travers l’Europe en famille. Mes enfants étaient avec moi en coulisses. Et quand je suis au festival de Verbier, je pars en randonnée avec eux. J’adore passer du temps en famille et, aujourd’hui, je n’enchaîne plus les concerts au même rythme qu’avant.

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