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GDI
Vingt ans après son étude sur la famille, l’Institut Gottlieb Duttweiler (GDI) présente aujourd’hui de nouvelles données. Les tendances qui se sont renforcées nous permettent d’esquisser l’avenir et de formuler cinq hypothèses quant à la famille de demain.
Depuis 1950, le taux de natalité est en chute libre dans tous les pays prospères: en Suisse, la moyenne est aujourd’hui de 1,4 enfant par femme, contre 2,1 en 1970. Ce constat s’explique par un changement de la société et des valeurs. Autrefois, avoir des enfants était une étape incontournable que les femmes en particulier devaient franchir. Depuis que celles-ci sont mieux formées et plus indépendantes financièrement, les enfants ne constituent plus le seul but dans une vie. «Là où les enfants étaient autrefois essentiels pour la sécurité financière, aujourd’hui, ils représentent plutôt un poids sur ce plan», explique Petra Tipaldi, autrice de l’étude du GDI Unbundling the Family.
Certes, deux tiers des jeunes femmes et hommes de 20 à 29 ans souhaitent avoir des enfants, mais avoir un bon travail est encore plus important pour eux. «Près de 90% des personnes estiment que se plaire dans son travail fait partie d’une vie épanouie, mais il faut souvent beaucoup de temps pour y parvenir: une formation, d’éventuels changements d’emploi, parfois même un déménagement. Avoir des enfants passe au second plan», poursuit-elle.
La famille serait-elle donc en train de disparaître d’elle-même? «La famille traditionnelle avec un père, une mère et deux enfants ne sera plus d’actualité à l’avenir. La notion de famille s’élargit et s’ouvre. Il y aura plus de familles avec un seul enfant, monoparentales, avec plusieurs personnes de référence, recomposées et arc-en-ciel, ainsi que plus de personnes sans enfant qui se considèrent comme une famille.»
Le besoin fondamental d’avoir des liens restera bien présent et il sera toujours un pilier pour les enfants afin qu’ils grandissent protégés. Or, le nombre de proches diminue avec la baisse de la natalité. «À l’avenir, cela nous poussera donc à compter dans notre propre famille de plus en plus de personnes qui n’en faisaient classiquement pas partie», explique l’experte.
Aujourd’hui déjà, 31% des personnes interrogées déclarent compter des amis proches comme faisant partie de la famille. À l’inverse, près de la moitié considèrent le mariage comme une institution dépassée. Or, le mariage régit encore la garde conjointe des enfants. «Les différentes formes de vie exigent une plus grande flexibilité en ce qui concerne les réglementations juridiques. Pas seulement pour les obligations financières ou l’héritage, mais aussi, par exemple, pour les droits de visite à l’hôpital en cas d’accident», précise Petra Tipaldi.
Les parents, en particulier ceux de jeunes enfants, sont souvent stressés. Le sentiment de ne pas être à la hauteur de leur famille est partagé par 34% des personnes interrogées, car à l’«heure de pointe de la vie», tout se chevauche: pression au travail, encadrement intensif des enfants... L’étude montre que les plus jeunes du panel sont nettement plus ouverts à l’idée d’externaliser les tâches familiales et ménagères. Mais pour cela, il faudrait renforcer les offres: des services de garde d’enfants plus abordables et plus flexibles, davantage d’aides publiques pour les familles, des programmes de promotion de carrière innovants et un soutien à la planification familiale de la part des entreprises. «Cela permettrait de mieux concilier travail et enfants», explique Petra Tipaldi. Avec la baisse de la natalité, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée va s’aggraver au cours des prochaines décennies. Les entreprises subissent donc encore plus de pression pour garder leurs effectifs et attirer les talents. Certaines se disent déjà prêtes à soutenir financièrement la congélation d’ovocytes. «C’est peut-être une approche parmi d’autres. Toutefois, le fait de repousser encore plus loin la naissance d’enfants n’aide en rien à concilier parentalité et carrière.»
Jusqu’à présent, selon l’étude, la numérisation ne joue qu’un rôle mineur dans la vie quotidienne. Cela pourrait changer avec le développement de l’intelligence artificielle (IA). Peut-être que, dans une salle de classe virtuelle, un avatar aidera les enfants à faire leurs devoirs ou que l’IA améliorera l’efficacité dans l’exécution des tâches ménagères. «Mais il faut se méfier des attentes trop élevées vis-à-vis de l’IA en tant que libératrice du stress», met en garde la spécialiste, avant d’ajouter: «Si on regarde comment les technologies ont influencé notre vie jusqu’à présent, on constate bien que, oui, elles nous facilitent beaucoup de choses et augmentent la productivité, mais elles entraînent aussi plus de stress. C’est ce qu’a révélé une autre étude de notre institut.»
Aujourd’hui, les tâches de garde d’enfants sont déjà partagées de manière équilibrée chez 46% des personnes interrogées, et de nombreuses femmes exercent une activité professionnelle. Mais le modèle traditionnel travailleur/femme au foyer ne doit pas obligatoirement disparaître, selon l’experte: «À l’avenir, de nombreux modes de vie et modèles familiaux seront acceptés et coexisteront. Mais le changement social prend du temps», souligne-t-elle. L’émancipation nous a déjà menés loin, mais l’image de la bonne mère est très profondément ancrée et exerce aujourd’hui encore une grande pression sur les femmes.
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