Claudia Sollberger est logisticienne dans la centrale de distribution Migros Neuendorf, sise dans la commune soleuroise du même nom.

Travailler dans un congélateur

Un job à moins 26 degrés

Claudia Sollberger passe ses journées à des températures extrêmes. Dans l’immense entrepôt de surgelés du centre de distribution Migros Neuendorf SA, elle veille à ce que tous les produits arrivent au bon endroit. Et de temps en temps, il lui arrive même de transpirer.

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Dinah Leuenberger, Claudia Vogt
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Claudia Sollberger n’aime pas particulièrement le froid. Rien de très étonnant à cela si son environnement de travail ne variait pas entre -24 et -26 °C. Cette femme de 54 ans opère dans la logistique des surgelés au centre de distribution Migros de Neuendorf (SO), où sont stockés tous les produits surgelés de l’enseigne.

Avant de commencer son service, Claudia Sollberger met des sous-vêtements thermo-isolants, des chaussettes de ski, deux bonnets et une tenue de protection spéciale composée d’un pantalon, de bottes et d’un manteau. Elle porte aussi deux paires de gants et, généralement, une écharpe bien chaude autour du cou. En outre, en temps de pandémie, c’est masque obligatoire, car les mesures de protection s’appliquent aussi dans les milieux surgelés.

À l’intérieur de la halle d’environ 11 mètres de haut, des néons scintillent et des étagères montant jusqu’au plafond sont remplies de cartons de toutes les tailles. Des tapis roulants traversent la pièce, transportant sans relâche paquets et palettes avec une régularité toute mécanique. Parfois des odeurs de nourriture titillent nos narines. «Quand des cartons de Curry Balls ou de choux-fleurs passent, on le remarque tout de suite», souligne Claudia Sollberger.

La saison des glaces

Les machines font du bruit et provoquent des courants d’air. «Mais le froid est sec. On en sent donc moins les effets», précise la spécialiste tout observant mes doigts. Bien cachés dans des gants épais, ils sont encore chauds. Claudia Sollberger, semblant satisfaite, emprunte un escalier et me fait signe de la suivre.

Là, une énorme installation entièrement automatique trie les marchandises livrées et les stocke sur des étagères à la hauteur vertigineuse. Puis elle traite les commandes des magasins. Depuis sa mise en fonctionnement à l’été 2020, elle prépare environ 1700 palettes par jour, précise Michael Odermatt, responsable du domaine Automatisation et Projets à Neuendorf. Elle n’a droit qu’à une petite journée de pause le week-end. «Cependant, lorsque les températures se réchauffent après Pâques, c’est l’effervescence. Tout le monde veut des glaces. L’usine doit alors fonctionner 24 heures sur 24.»

Le travail de Claudia Sollberger et de ses quelque quarante collègues consiste à surveiller l’installation et à intervenir en cas de défaillance. «Par exemple, si, lors de la préparation d’une livraison, le plus petit paquet se trouve en premier sur le tapis roulant, la machine affiche un avertissement. Nous arrêtons celui-ci et plaçons manuellement le carton au bon endroit», explique-t-elle tout en joignant le geste à la parole. Après avoir été triés, les paquets se dirigent vers les palettes réservées. Une livraison à destination de Bienne passe devant nos yeux et atterrit sur une palette. Rien à signaler. Claudia Sollberger poursuit donc son chemin et emprunte un nouvel escalier menant au prochain poste. Elle me jette un regard: «Et vos mains?» Malgré les gants, mes doigts sont désormais glacés.

Un drôle de mariage

«Maintenant, il est temps de passer au mariage», déclare-t-elle, en arrivant tout en haut. Pardon? Sous le plafond du bâtiment, où les tuyaux de ventilation pompent l’air le plus froid, à -28 °C, chaque carton brun est posé sur un plateau afin de faciliter le passage dans l’installation. «C’est pour ça que nous parlons de mariage: deux éléments séparés sont à présent unis.» Et qu’y a-t-il à l’intérieur de ces cartons? Michael Odermatt explique: «Environ 40% des produits sont du pain. Avant tout du pain tessinois. Mais nous stockons également tous les autres produits surgelés disponibles à Migros. Et bien évidemment, la fameuse glace Otarie.»

Dans l’installation, il fait plus froid que les -18 degrés nécessaires à la congélation. Cela garantit la sécurité des marchandises. «Si le produit était laissé dehors pendant deux heures à une température entre 0 et 5 °C, sa température à cœur serait encore de -20 °C.» Les produits ne souffrent pas de températures plus froides, contrairement aux personnes et à l’installation.

«Quand je monte dans ma voiture qui a eu chaud après le travail, je ne transpire pas. Je suis comme un climatiseur humain. C’est pratique.».»

Claudia Sollberger

Claudia Sollberger s’enquiert à nouveau de la température de mes doigts: ils sont de nouveau chauds. Elle est ravie. «À présent, vous avez franchi le seuil de la douleur et surmonté le froid. Si l’on n’y parvient pas, ce travail est impossible.»

Il a fallu un certain temps pour que la glace se brise

Cela fait cinq ans que Claudia Sollberger travaille dans ce froid polaire. Au bout de deux mois environ, elle s’était acclimatée et a réalisé qu’il est possible de transpirer même à -26 °C. «Si plusieurs voyants clignotent en même temps et que je dois monter les escaliers à la hâte, je sue!» Les collègues étaient en fait plus durs à supporter que le froid. Ici, c’est un univers très masculin. Beaucoup me disaient qu’une femme ne pouvait pas faire ce travail. «Il a fallu un certain temps à mes collègues pour m’accepter. Mais la glace a fini par se briser.» Malgré les températures...

Pour l’instant, seules deux autres femmes travaillent dans la chambre froide. Ce n’est pas vraiment à cause du froid, car contrairement aux préjugés, les femmes le supportent bien. C’est probablement dû à l’organisation du travail en équipes, pas toujours facile à gérer, surtout si l’on a des enfants.

Après s’être assurée que tout se passe bien au poste du mariage, Claudia Sollberger retourne en bas. Là, elle échange quelques mots avec ses collègues puis se dirige vers la sortie. La durée d’un roulement est de huit heures, mais toutes les nonante minutes, quinze minutes de pause au chaud sont obligatoires. C’est suffisant pour se réchauffer.

Bien que les écarts de température avec l’extérieur soient plus faibles en hiver, Claudia Sollberger préfère travailler en été. «Quand je monte dans ma voiture qui a eu chaud après le travail, je ne transpire pas. Je suis comme un climatiseur humain. C’est pratique.»