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Oliver Höfler déguste une assiette de spaghettis

Pasta Buchs

«Un filet d’huile d’olive, et basta»

Avec son équipe de l’entreprise Pasta Buchs, Oliver Höfler fabrique des pâtes pour Migros. Il évoque ici la révélation qu’il a eue lors d’une visite en Italie et nous explique pourquoi, depuis son retour, il n’ajoute plus autant de sauce.

Texte
Kian Ramezani
Image
Lucas Ziegler
Date
Format
Interview

Oliver Höfler, où avez-vous mangé les meilleures pâtes de votre vie?

C’était après une visite chez Garofalo, un producteur de pâtes et fournisseur de Migros à Gragnano, près de Naples. J’ai dîné avec deux employés, qui m’ont raconté que la population pauvre du Sud a toujours su tirer le maximum de saveur des aliments les plus simples. Comme pour illustrer ce propos, ils ont commandé des penne à la sauce tomate.

Probablement les pâtes les plus simples du menu.

C’est vrai. Mais les penne étaient parfaitement al dente, la sauce faite à partir des ­tomates incroyablement aromatiques de la région, avec du basilic frais et une très discrète note d’ail. Le résultat: une explosion de goût que je n’oublierai jamais.

En Italie, manger est encore très important: on s’assoit, on prend son temps et on savoure.

Oliver Höfler, directeur de l'entreprise Pasta Buchs

Est-ce difficile de préparer des pâtes?

En principe non, car même moi, cuisinier médiocre s’il en est, j’arrive à servir une ­assiette de pâtes correcte. Ce qui compte, c’est de bien comprendre pourquoi on ­cuisine: je peux préparer des pâtes comme un ­accompagnement quelconque, ou comme une célébration des plaisirs du palais et en tirer le maximum, comme les Italiens du Sud. Dans les deux cas, on sera rassasié.

Que ne faut-il jamais faire avec les pâtes?

Lésiner sur la quantité d’eau de cuisson et chauffer à fond la cuisinière à induction, cela conduit inévitablement à ce que les pâtes collent au fond de la casserole. Faire mille choses en même temps qu’on cuit les pâtes, et peut-être oublier le sel. Ou encore noyer de belles pâtes sous une portion XXL de sauce, ça me peine un peu. On ne sent plus du tout le goût du grain.

Du grain?

Personnellement, j’adore le goût du blé. Plus une pâte contient de sauce, plus son goût propre passe au second plan. C’est pourquoi je les mange régulièrement avec juste un filet d’huile d’olive et des herbes fraîches.

Quelles sont vos pâtes préférées?

Je suis comme les Italiens et je préfère les pâtes «robustes» comme nos spaghetti, ­fusilli et penne al bronzo M-Classic. Elles sont pressées à travers des moules en bronze – d’où leur nom – ce qui leur confère une surface rugueuse à laquelle la sauce adhère beaucoup mieux. Garofalo fait également de très bonnes pâtes. Et puis il y a nos ­pappardelle et tagliatelle Tradition, mais pour moi, elles entrent dans la catégorie des pâtes du dimanche. En automne, elles se marient par exemple très bien avec une sauce crémeuse aux champignons. Je commence à avoir faim (rires).

Que voulez-vous dire par «pâtes du dimanche»?

Une qualité premium. Les pappardelle, ­tagliatelle et taglierini Tradition ne sont pas pressés à travers un moule, mais laminés. Cela leur confère une tout autre texture. Ils sont en outre composés d’un excep­tionnel blé dur suisse de qualité IP-Suisse et d’œufs de poules élevées en plein air en Suisse. On ne peut pas faire plus suisse.

Vous dirigez la fabrique de pâtes ­alimentaires Migros. Quelle est la difficulté de produire des pâtes à grande échelle?

Ce n’est pas une mince affaire. Il est tout d’abord très important d’avoir une humidité correcte. Si le mélange de semoule de blé dur et d’eau est trop humide, il s’écoule pratiquement à travers les moules et les pâtes n’obtiennent pas un bel aspect. S’il est trop sec, cela nécessite une telle pression que l’installation finit par s’arrêter.

Et quel est le mélange correct?

Notre pâte à pâtes, ici à Buchs (AG), est composée à 32% d’eau et est pressée dans les moules à plus de 100 bars. Cela a fait ses preuves pour de nombreux formats.

Que se passe-t-il une fois que les pâtes sont sorties des moules?

Commence alors la partie la plus délicate de la fabrication: le séchage. C’est cette étape qui requiert le plus de savoir-faire et c’est à ce moment que les choses peuvent facilement mal tourner.

Pourquoi?

Si nous séchons les pâtes trop vite ou à une trop forte chaleur, elles se fissurent et ne peuvent pas être vendues. Nous essayons de réduire ce risque au mieux. Mais si cela arrive malgré tout, les pâtes brisées sont moulues et réutilisées dans la production suivante. Chez nous, on ne jette rien.

Combien de temps et à quelle température séchez-vous les pâtes à Buchs?

Nous séchons nos pâtes pendant quatre à six heures à environ 85 °C. Pour ce faire, nous utilisons un système de chauffage à distance, sans aucun combustible fossile. Dans ce laps de temps, leur teneur en eau doit passer de 32 à 13%. La sécurité alimentaire est ainsi garantie et la durée de conservation s’étend sur plusieurs années si les pâtes sont correctement stockées.

Quelle est la teneur en eau du blé dur au moment de sa livraison?

De 14 à 15%. Curieux quand on y pense: sous forme de pâtes séchées, le blé dur ­retrouve quasiment sa teneur en eau initiale. Mais en fait, c’est logique. Pour faire la pâte, nous ajoutons de l’eau au grain moulu pour que le tout se mélange uniformément et puisse être bien pressé à travers les moules. Ensuite, nous retirons l’eau des pâtes pour qu’elles soient sèches…

… pour enfin remettre de l’eau quand on les cuit à la maison. Quelle est la quantité d’eau contenue dans les pâtes qu’on retrouve dans l’assiette?

Cela peut varier beaucoup. De 50 à 60% pour des pâtes al dente. Jusqu’à 80% si l’on aime le moelleux.

Je dois voir le produit, le sentir et le déguster avec mon équipe.

Oliver Höfler, directeur de l'entreprise Pasta Buchs

Faut-il aimer les pâtes soi-même pour en faire de bonnes?

Je pense que oui. La gestion d’entreprise est une partie très importante de mon travail, mais s’il n’y avait «que ça», cela serait trop peu pour moi. Je dois pouvoir voir un produit, le sentir et le déguster avec mon équipe. Et à la fin, je veux savoir ce qui sort dans les magasins, ce qu’on propose à la clientèle, et pouvoir l’assumer entièrement.

Les Italiens y parviennent-ils mieux?

Eux non plus ne font pas de miracles. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de rendre visite à des producteurs de pâtes en Italie, dont des fournisseurs de Migros. Ils ont exactement les mêmes défis de production que nous. En Italie, par exemple, il y a aussi une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Mais il y a une chose qu’ils font clairement mieux.

Quoi donc?

Ils sont passionnés par leurs produits et portent cette fierté de manière convaincante dans le monde entier. En Italie, manger est encore très important: on s’assoit, on prend son temps et on savoure. Les pâtes sont ­souvent servies en entrée et donc présentées de façon à mettre en appétit. Les producteurs ­italiens savent parfaitement vendre cette merveilleuse culture.

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